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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey 24 octobre 1852, dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour avec toute la tendresse de mon cœur et toute l’adoration de mon âme, bonjour. Je voudrais être auprès de toi pour te soigner, pour te caresser, pour te dorlotera. Je crains que tu ne pensesb pas à faire faire du feu dans ta chambre et que tu n’y aies froid. Je suis sûre que les fenêtres ferment mal et laissent passer tout le vent et toute l’humidité, et Dieu sait s’il y en a dans la grève d’Azette à en juger d’après le Havre-des-Pas. Tu n’as pas de pantouflesc chaudes et de robe de chambre ouatéed. Enfin tu n’as rien de ce qu’il faut pour te préserver du froid et te garantir contre les rhumatismes. Ce mépris des infirmités humaines est digne de toi et fait très bien entre le Père Michel et le cidre rose. Mais, sérieusement, c’est absurde. J’ai chez moi ta robe de chambre de Paris. Si tu ne dois pas t’en servir à la maison, mieux vaudrait qu’elle fût chez toi et qu’elle te rendît le service de te tenir chaud. Tantôt je t’y ferai penser ainsi qu’à ton sac de fourrure. En attendant, je suis forcée de lutter coup à coup avec le vent qui ne demanderait pas mieux que de faire danser une polka échevelée à tout ce qui est sur ma table. Mais JE SUIS LÀ, MOI, JE SUIS LÀ. Dormez, mon cher petit homme, et ne montrez le bout de votre nez que lorsque le soleil montrera le sien et puis aimez-moi depuis la queue jusqu’à la [tête  ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 87-88
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

a) « dorlotter ».
b) « pense ».
c) « pantouffles ».
d) « ouattée ».


Jersey 24 octobre 1852, dimanche matin, 9 h. ½

Je viens d’écrire à Brest et à Bruxelles, mon cher petit homme, d’après les indications que tu m’as données hier. Seulement il m’a été impossible de ne pas dire à mon beau-frère [1] que, dans le cas où ce retard le mettrait dans un trop grand embarras, nous lui enverrions tout de suite la somme coûte que coûte. Je ne peux pas faire moins comme bon procédé devant un service rendu si spontanément et si cordialement. J’espère qu’il s’arrangera pour attendre jusqu’à la fin de novembre. S’il ne le pouvait pas c’est que cela serait tout à fait impossible et dans ce cas-là mon devoir serait de ne pas lui causer de peine en échange de sa confiance, tu le penses comme moi, n’est-ce pas mon adoré ? Mais j’espère qu’il fera tout au monde pour nous laisser ce répit. En attendant, mon cher petit bien-aimé, je vais redoubler d’économie mais, hélas ! je crains bien d’avoir atteint le maximum de ce que je peux faire dans ce genre-là. Témoin, le petit déficit dans lequel je suis tombée pour m’être écartée tant soit peu de la sévérité de ma dépense. Enfin j’y essayerai et peut-être parviendrai-je à découvrir le moyen de faire 4 sous d’une pence [2]. Ce serait mon triomphe et ma joie car je sens, mon pauvre adoré, combien est lourd le fardeau que tu portes avec tant de courage. Je ne te le dis pas autant que je le sens par un sentiment de confusion personnel que tu comprends et par tristesse de mon impuissance à te soulager dans cette rude tâche mais au fond de mon cœur je te plains et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 89-90
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Louis Koch (1801-1881), beau-frère de Juliette Drouet, habite Brest. La lettre dont Juliette parle n’a pas été conservée à notre connaissance.

[2Une pence : un penny.

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