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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 8 décembre 1852, mercredi matin 9 h.

Bonjour, mon doux adoré, bonjour, mon grand petit homme, bonjour, je t’aime et vous ? J’espère que tu n’auras rien qui t’empêche de venir de bonne heure aujourd’hui car il n’y a ni poste, ni réunion, ni commission que je sache. J’espère encore que tu m’apporteras quelque admirable chose à copier et j’en lèche d’avance les barbes de ma plume en fer. Mais, en attendant, je suis comme une pauvre Juju sans âme et surtout sans esprit. J’ai tellement pris l’habitude de ne vivre qu’en toi et par toi que lorsque tu me manques je végète tristement comme une pauvre huître dont le flot s’est retiré. Cet état de mollusque à sec n’a rien de bien divertissant et je ne demanderais pas mieux que d’en changer si cela ne dépendait que de moi. Mais malheureusement il ne faudrait rien moins que votre coopération à cette métamorphose, mon cher petit Brahma. Change, change-moi Brahma mes écailles en ailes. Après cela je ne vous en aime que mieux peut-être dans le fin fond de ma coquille.

BnF, Mss, NAF 16372, f. 241-242
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette


Jersey, 8 décembre, mercredi matin 11 h. ½

Si vous n’étiez pas si paresseux, mon petit homme, vous auriez très bien pu venir me voir un peu ce matin et profiter de ce beau soleil. Qui sait s’il y en aura tantôt. En attendant moi je bisque dans mon coin de toutes ces bonnes occasions perdues ; et je passe mon temps à mettre le holà entre le chien et le coq lequel, pauvre coq jersiais, a déjà perdu un œil dans la bataille, il y a trois jours. Je n’ai jamais vu un courage pareil à ce pauvre moigneau de basse-cour. Le chien le traîne par le cou, par la queue, par les ailes, à travers champ. On le croit étranglé, écartelé, écrabouillé mais, à peine le chien l’a-t-il lâché, qu’il se remet sur ses ergots et se met à courir sus avec un courage digne d’un meilleur sort. Cette haine acharnée a pour résultat de faire remettre Faidèle [1] à la chaîne en attendant qu’on mette le pauvre coquerico à la broche. Triste sort de quelque côté qu’on l’envisage et qui ne me distrait pas assez de votre absence, pour n’en pas éprouver en moi-même un grand vide et un grand espoir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16372, f. 243-244
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Chien des propriétaires de Juliette

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