Paris, 29 janvier [18]72, lundi matin, 10 h. ½
J’ai fait la paresseuse, mon cher bien-aimé, ce dont ma restitus se ressent comme tu vois. J’espère que tu en auras fait autant de ton côté avec plus de raison que moi et que nos deux bonjours n’ont rien à se reprocher l’un l’autre de ce ronronnage prolongé. Une chose que je me permets de te reprocher, c’est ta re-colère d’hier contre ce stupide Mélingue. Je te le reproche d’autant plus qu’il paraît qu’il n’y a pas de remède à ses prétentions ineptes et outrecuidantes. Tu ne réussis qu’à décourager et à affliger tes amis dans leur zèle et dans leur dévouement. Sans parler de l’inconvénient de mettre dans la confidence de ces petites misères de cabotins des auditeurs plus ou moins discrets qui assistent à ton mécontentement depuis avant-hier et hier. Je te demande pardon de me mêler de ce qui sort de mes attributions, mon excuse est que je t’aime, que je t’admire que je te vénère et que je t’adore. J’espère, mon plus en plus grand bien-aimé, qu’on trouvera moyen de faire dire les vers sublimement patriotiques [1] que tu nous as lus hier à la première représentation de Ruy Blas. Il est impossible de garder sous le boisseau cette poignée de rayons qui doit réchauffer la France et lui redonner la force et le courage de reconquérir l’Alsace et la Lorraine. Il le faut absolument quelle quea soit la difficulté qui se dresse contre.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 26
Transcription de Guy Rosa
a) « quelque ».