Paris, 23 septembre [18]79, mardi matin, 10 h.
Cher bien-aimé adoré, je te souris et je te bénis malgré le temps sévère, mais injuste, qu’il fait ce matin et qui redouble ma douleur de genou [1]. J’espère qu’il s’humanisera d’ici à tantôt et que nous pourrons, en nous emmitouflanta bien, faire notre chère promenade de deux heures.
Je crois que je vais inviter les deux Lesclide à dîner ce soir pour étoffer un peu notre salle à manger qui semblerait, par comparaison avec les encombrements habituels, bien dépeuplée et bien démeublée. Tant que ta chère famille ne sera pas revenue [2] il y aura nécessairement des vides à remplir surtout tant que dureront les vacances politiquesb [3] et autres, comme dit le bon Lesclide, il nous faut faire de nécessité vertu et en faire profiter ceux qui le méritentc le plus tel que notre excellent voisin et les deux Simbozel si dignes d’estime. Je voudrais savoir l’adresse de Leconte de Lisled pour l’inviter. Je pense aussi aux deux Bergerat [4], aux deux Saint-Victor, aux deux Texier et aux trois Banville, qu’en dis-tu ? Mais ce qui urge et ne peute plus être différé d’une minute, c’est la réponse à la lettre de Mme Edmond Adam. Je te supplie de me la dicter car elle demande beaucoup plus de style que je n’en aif, mon syllabus épistolaire ne se composant que de ces deux mots : je t’adore.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 225
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette
a) « enmitoufflant ».
b) « politique ».
c) « mérite ».
d) « du Conte de Lille ».
e) « peu ».
f) « n’ai ».