Paris, 14 janvier [18]72, dimanche soir, 5 h. ¼
Cher adoré, je crains de te communiquer mon rhume rien qu’en pensée et je te conseille de passer outre mon gribouillis sans même y toucher du bout des doigts de crainte de la contagion. C’est bien assez que je sois envahie tout entière par ce monstrueux rhume, il faut que toi tu tâches de t’en garantir. Je me suis imposéa tout à l’heure le devoir assez dur de n’embrasser ni petite Jeanne ni toi, aimant mille fois mieux me priver de ce grand bonheur que de risquer de vous inoculer ma grippe, car c’est la grippe, je le sens à la courbature profonde que j’ai, au mal de gorge et de tête et à la fièvre que j’ai. On s’en aperçoit de reste à mon dolent rabâchage interminable. Une autre guitare moins enchifrenée me semblerait utile en ce moment. Malheureusement, ces sortes d’instruments sont rares chez moi et quand par hasard il m’en tombe un entre les mains, je ne sais pas m’en servir. Cela étant, je me borne à pincer éternellement la même corde, je t’aime.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 13
Transcription de Guy Rosa
a) « imposée ».