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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 avril 1839

6 avril [1839], samedi matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, ma joie, bonjour, ma vie. Je t’aime. Je te suppliea s’il y a des émeutes aujourd’hui de ne pas aller du côté où elles seront. Tu me dois bien cela pour tout l’amour que j’ai pour toi, car s’il t’arrivait le moindre malheur j’en deviendraisb folle. Aussi, mon cher petit homme, c’est à genoux que je te suppliec de ne pas [t’exposer  ?]. Il fait un temps ravissant et le perroquet a déjà recommencé ses caravanes quand il s’est agi de lui ouvrir sa fenêtre. C’est un bien gentil animal, jusqu’à présent, je ne sais s’il s’apprivoisera mais jusqu’à présent il est par trop sauvage.
N’oubliez pas, mon Toto, qu’il nous faut reconduire Claire ce soir avant ou après le dîner pourvu que ce ne soit pas trop tard. Maintenant, mon cher bijou, que nous avons un peu d’argent pour faire faced à nos premiers besoins, j’exige que tu te reposes pendant quelques nuits et, pour que tu n’aies aucun scrupule sur ce que j’exige de toi, je veux que tu viennes coucher avec moi tout ce temps-là. Vous voyez que je ne suis pas déjà si GÉNÉREUSE ? Non mais très sérieusement, je ne veux pas que tu travailles tant que dureront ces quatre sous. Et pour ne pas vous effrayer sur leur éternité, je vous dirai que je vais dès aujourd’hui écrire à mon marchand d’huile, de vin etc etc. Ainsi vous ne courrez pas de dangers bien longs pour votre vertu en consentant à ce que je vous demande. Jour papa. Papa est bien i et l’oiseau aussi. Je les aime tous les deux de tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 19-20
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « suplie ».
b) « deviendrai ».
c) « suplie ».
d) « fasse ».


6 avril [1839], samedi soir, 8 h. ¾

Tu m’as laissé un bon baiser pour adieu, mon Toto, je t’en remercie du fond de l’âme car il m’a fait du bien. C’est dommage qu’il ait été si court. Je suis si souffrante et si maussade que je crains que tu ne te dégoûtesa de moi et pourtant je ne t’ai jamais mieux aimé. Mais que veux-tu, je souffre plus que tu ne peux te l’imaginer parce que ma figure est encore bonne mais je souffre, va, et bien souvent d’une manière insupportable. Par exemple aujourd’hui je n’ai pas une partie de mon corps qui ne me fasse mal, c’est ce qui me rend triste et mouzon. Mais tu as été si bon et si doux que je me sens mieux et surtout plus courageuse. Je n’ai plus qu’un mal, mais celui-là est le plus douloureux de tous, c’est ton absence, et il n’y a pas de remède possible que toi. Je t’aime, tu es ma vie, tu es ma joie, tu es ma santé, tu es mon amour, c’est pour ça que je suis si souvent malade et si triste. Pourvu que mon cher petit voyage annuel ne me manque pas. Si ce malheur m’arrivait, je crois que je n’y résisterais pas, j’ai un tel besoin de toi que si tu ne me donnes pas mon pauvre petit mois d’air et de soleil et de bonheur, je crèverai comme un vieux chien [1].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16338, f. 21-22
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Florence Naugrette

a) « dégoûte ».

Notes

[1Leur voyage annuel se déroulera du 31 août au 26 octobre.

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