Paris, 18 juin 1881, samedi matin, 8 h.
Cher bien-aimé, je crains que la nuit n’ait été encore cette fois aussi dure pour toi que pour moi ; mais j’espère que le rassérènement finira par se faire dans notre vie et que nous serons bientôt pour toujours hors de ce hideux cauchemara du passé qui touche depuis trop longtemps notre bonheur [1].
Je sens déjà un léger allégement à mes lourdes souffrances morales et physiquesb et c’est d’un cœur léger que je t’envoie ce matin ce que j’ai de plus doux, de plus tendre et de meilleur en moi. Je te souris, je t’adore et je te bénis.
Le pauvre Saint-Victor t’envoie son remerciement le plus ému. Il viendra jeudi si sa santé le lui permet [2]. Édouard Thierry est en proie au délire d’admiration pour Les Quatre vents de l’esprit [3], ce qui ne m’étonne pas, au contraire. Le Sénat tient séance publique à deux heures aujourd’hui. Moi je fais feu de mes quatre pauvres pattes pour être prête à t’y accompagner si tu y vas. C’est pourquoi je termine mon gribouillis au galop, au risque de le faire choirc lourdement à tes pieds que je baise avec adoration.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 133
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « cauchemard ».
b) « phisique ».
c) « cheoir ».