Paris, 3 août 1881, mercredi matin, 8 h.
Je vois avec plaisir, mon cher grand petit homme, que tu n’as pas eu besoin de recourir à ton Tolu [1] pour dormir comme un loir presque toute la nuit. Je crois que, si tu pouvais prendre sur toi de te lever matin, tu trouverais d’ici à peu de temps le sommeil régulier de la nuit. Ceci est une opinion que je te donne pour ce qu’elle vaut avec le désir ardent que, n’importe par quel moyen, tu retrouves le repos nécessaire à ta santé. Quant à moi, que je dorme ou que je veille, ma santé et mes forces vont toujours décroissanta et je prévois un temps très prochain où elles seront tout à fait annulées. Je ne m’en effraye qu’à cause de la perturbation que cela apporterait dans ton existence et dans la mienne. Aussi je demande à Dieu de simplifier toutes ces complications en supprimant d’un seul coup une vie devenue inutile. M’exaucera-t-il ?
Chi lo sa [2], il y a tant de choses que je lui ai demandéesb, sans l’obtenir, pendant ma très longue vie qu’il n’y a pas de raison pour qu’il m’accorde enfin celle-là. Le mieux est de me résigner à sa volonté et de continuer à t’aimer de tout mon cœur et de toute mon âme.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 178
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « décroissantes »
b) « demandé ».