Paris, 19 mars 1881, samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon doux bien-aimé. Si tu as passé une bonne nuit, tant mieux, la mienne n’en sera encore que meilleure. Si tu m’aimes, je t’adore, et nous sommes quitte à quitte, comme on dit dans les rondes d’enfants. Le temps s’applique de plus en plus à être le plus beau du monde ; tant et tant que le printemps vous en vient tout naturellement à la bouche et aux yeux, au cœur et à l’âme, dans ce cri divin : vive l’amour !
Dites-donc, Môsieura, vous avez Sénat et séance publique à deux heures, je ne vous dis que ça ! Madame Clémentine Hugo t’a envoyé un énorme, un énorme carton rempli de signatures et admirations à propos de ton anniversaire avec une lettre d’elle. Voilà un glorieux document historique qui va quelque peu embarrasser notre jeune ami Blémont pour le faire entrer dans son livre d’or-Hugo [1] ; car, à lui seul, ce document romain, il suffirait à faire un volume. Enfin il faudra bien qu’il trouve sa place avec tous les autres, ne fût-ceb que pour justifier le proverbe : abondance de biensc ne vicie pas.
Cher adoré, je me sens si bien ce matin qu’il me semble être rajeunied de vingt ans sur hier. Ce n’est qu’une illusion mais j’en profite pour te baiser de la tête aux pieds.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16402, f. 56
Transcription de Caroline Lucas assistée de Florence Naugrette
a) « Môsieu ».
b) « fusse ».
c) « bien ».
d) « rajeuni ».