6 novembre [1841], samedi matin, 9 h.
Bonjour, mon amour, bonjour. Je vous aime mais vous ririez bien de me voir avec mon œil en compote. Tout de bon je suis atroce, mais ce qu’il y a de plus affreux, c’est que je souffre beaucoup. J’aimerais mieux, et je vous le dis à vous, être monstre et ne pas souffrir. Je vais prendre un bain, non pas pour mon œil, ce qui serait dans le genre du remède de la paille sur la pavé pour ne pas entendre le bruit des cloches, mais par propreté.
Je ne veux pas de votre Internelle sous aucun prétexte. Je veux ma boîte à volets, ma boîte à volets, ma boîte à volets. Je ne sors pas de là jusqu’à ce que vous me l’ayez apportéea, c’est-à-dire dans un mois et 24 jours [1]. Mon Dieu, vous me tournez tellement l’esprit que je ne sais vraiment plus ce que j’écris et c’est grand dommage à en juger par le style tranquille et reposé. Tâchez de gagner votre procès, ce sera mon internelle consolacion et tâchez en outre de venir tout de suite m’apporterb la nouvelle, quelle qu’elle soit, ce sera toujours une occasion de vous embrasser sur toutes les coutures, sous tous les aspects et sur toutes les faces [2].
Je vous aime Toto, et vous ? Pourquoi n’êtes-vous pas venu ce matin, vous auriez été aussi bien au tribunal de chez moi que de chez vous ? Vous êtes une bête, il y a longtemps que je vous le dis et vous pouvez m’en croire. Baisez-moi, scélérat.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16347, f. 93-94
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « apporté ».
b) « m’apportez ».