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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 octobre [1841], vendredi soir, 7 h. ¼

Ô je t’aime, mon adoré, je t’aime plus que de toute mon âme. Toute ma vie c’est toi, toute ma joie c’est ton sourire. Je voudrais baiser tes chers petits pieds nuit et jour. Quel ravissant petit homme tu fais, mon Dieu. Chaque jour je te trouve plus beau, plus doux, plus grand, plus noble et plus éblouissant. Chaque jour aussi, mon amour, mon admiration et mon adoration augmentent sans que je sache comment ce phénomène peut s’accomplir.
Je regrette d’avoir oublié de te faire baigner les yeux après les trois ou quatre heures de fatigue qu’ils viennent de supporter. J’espère que tu ne tarderas pas à revenir, mon Toto bien-aimé, et ce sera la première chose à laquelle je te ferai penser. D’ailleurs, pourquoi travailler chez toi ce soir [1] ? Tu vois que je ne te trouble pas et que je suis très SAGE, il faut m’en récompenser en ne travaillant qu’auprès de moi. À propos de travailler, j’ai encore oublié de vous demander de la besogne pour ce soir, ce dont j’enrage car je n’ai pas d’autre bonheur, après celui de vous voir, que de lire et de copier vos GRIBOUILLIS. Je m’étais cependant bien promisa de ne pas vous laisser partir sans avoir obtenu de vous de l’OUVRAGE pour ce soir et voilà précisément, avec votre tisaneb, les deux choses importantes que j’ai oubliéesc. On n’est pas plus stupide que votre très humble et très obéissante Juju. Pour un rien et très peu de chose avec, je me flanquerais beaucoup de coupsd que je n’aurais pas volése, car depuis huit jours je ne fais que des bêtises et des carreaux cassés [2]. Tâche de revenir bientôt, mon amour, j’ai hâte de te revoir. Il me semble que je ne t’ai pas assez baisé, pas assez caressé, par assez adoré. Reviens bien vite, mon cher petit homme, pour que je te donne tout l’amour qui me déborde et dont je ne sais que faire en ton absence. Je t’aime tu sais, sois heureux dans toutf ce que tu aimes, sois béni à jamais. Je te donne ma vie, mon cœur, mon âme. Pense à moi et reviens bien vite dans notre petit nid.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16347, f. 17-18
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « promise ».
b) « tisanne ».
c) « oublié ».
d) « coup ».
e) « volé ».
f) « tous ».

Notes

[1Les fils de Hugo viennent de revenir de Saint-Prix. Il est donc probable qu’il souhaite passer la soirée avec eux.

[2Voir la lettre du mercredi précédent, le 6 octobre, où Juliette décrit rageusement ses maladresses.

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