Paris, 17 août [18]79, dimanche matin, 7 h.
Bonjour, mon grand bien-aimé, je voudrais pouvoir te dire en même temps : Bonne nuit ; mais la vérité de la situation s’y oppose, du moins en ce qui me concerne, j’espère et je désire qu’il en soit tout le contraire pour toi. En attendant que je le constate moi-même, de visu et d’auditu, Edmond Turquet t’envoie la confirmation du travail que sur ta demande il vient de confier à ta cousine Mlle Vénot d’Auteroche, c’est-à-dire une copie du tableau de Vinchon, « Enrôlements volontaires – 22 Juillet 1792 ». Je t’en donne tout de suite la nouvelle parce que je sais l’intérêt que tu prends à cette jeune femme et que tu apprécieras avec plaisir l’empressement tout aimable de Turquet à faire ce que tu lui demandes. Que n’en est-il de même de tous les autres, mon pauvre Louis [1] n’en serait pas encore le bec dans l’eau depuis la fameuse promesse de l’ex Bardoux.
La petite fête anniversaire de notre cher Petit Georges est passée [2] ; mais, loin de lui dire : adieu ! comme on fait de presque tous les saints du calendrier, je lui dis au contraire, au revoir le plus tôt possible. C’est même pour le revoir presque tout de suite que j’avais accueilli avec faveur le projet de Charles Lemonnier [3] que tu ailles présider dans un mois à Genève le Congrès de la Paix parce qu’il me semblait que cela appellerait naturellement auprès de toi toute ta villégiatureuse famille [4]. Mais puisque tu en as décidé autrement et avec raison, comme toujours, je me résigne à attendre le retour lointain, hélas ! de tout ton cher groupe. Il est vrai qu’auprès de toi mon cœur ne chôme pas et que j’ai de quoi occuper mon admiration et mon adoration en t’aimant de toutes mes forces.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16400, f. 203
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette