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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Villequier [1], 16 septembrea [18]79, mardi matin, 8 h.

Cher bien-aimé, je t’envoie ce que j’ai de plus doux et de meilleur dans le cœur en attendant l’invasion du citoyen Mascaret [2] signalée à ce moment-même à son de trompe. Le papa, la maman et le jeune fils Glaize sont déjà sur la berge depuis longtemps guettant l’arrivée du flot malgré la pluie qui tombe sans interruption depuis toute la nuit. À ce propos, je voudrais bien savoir comment tu as dormi ? J’espère que le désheurement de ton sommeil n’aura pas interrompu la série des bonnes nuits dans laquelle tu es entré depuis notre départ de Paris ? Quant à moi il m’a été impossible de dormir avant quatre heures du matin, presque tout de suite après la fin du bal. Toute la maisonnée, moi comprise, est restée sur pied, même ta Mariette qui prenait sa part de la fête, comme les autres, à travers les fenêtres ouvertes sur le jardin. Autre guitare : c’est le mascaret qui accourtb ! Il n’a fait que passer et n’est déjà plus !... Il n’y a d’éternel que Dieu et les âmes. Entre temps, comme disent les Belgiquois, la questure du Sénat t’envoiec ta médaille de Sénateur [3] avec tout ce qu’il faut pour écrire… l’accusé de réception au citoyen questeur Toupet-Desvignes. D’autre part, le non moins citoyen Lesclide m’écrit une lettre que je t’envoie avec la pensée qu’elle ne changera rien à ta résolution de rentrée à Paris samedi prochain. J’attendrai cependant pour y répondre que tu me le confirmesd de nouveau.
Quant à moi, je ne t’aimerai jamais plus ni mieux qu’ici au milieu de tes aimables et incomparables amis, mais je t’aimerai partout et toujours autant. Et puis l’hospitalité la plus généreuse et la plus charmante a des limites que la discrétion doit nous empêcher de franchir. Mon amour seul n’en a pas et je te le prouve à tous les instants de ma vie. Sois béni, mon grand bien-aimé, je t’adore.

[Adresse]
Monsieur Victor Hugo

BnF, Mss, NAF 16400, f. 220
Transcription d’Apolline Ponthieux assistée de Florence Naugrette

a) « 15 septembre ». Le chiffre « 6 » est ajouté au-dessus du « 5 », sur le manuscrit.
b) « accourre ».
c) « t’envoye ».
d) « confirme ».

Notes

[1Après un séjour à Veules-les-Roses chez Paul Meurice, Victor Hugo et Juliette Drouet sont allés passer quelques jours à Villequier, chez Auguste Vacquerie.

[2Mascaret : vague qui remonte le cours d’un fleuve sous l’effet d’une grande marée d’équinoxe.

[3Victor Hugo a été élu sénateur en 1876.

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