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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 juin 1841

16 juin [1841], mercredi après-midi, 3 h.

Je viens de faire tous mes comptes, mon Toto, et il en résulte que je n’aurai même pas de quoi payer mon frotteur demain. C’est vraiment affligeant, et pour moi je donnerais volontiers une de mes mainsa pour être dispensée de toucher à l’argent le reste de ma vie. C’est une de mes désolations que d’avoir la charge de dépenser l’argent que tu gagnes si péniblement. C’est sans la moindre exagération, mon pauvre bien-aimé, il y a des moments où je prendrais mes jambes à mon cou pour m’enfuir tant je trouve difficile de te demander de l’argent tous les jours et à tout moment. Je viens d’écrire à Jourdain de m’envoyer son mémoire afin qu’il ne fasse pas des petits si on le lui laisse couver plus longtemps. J’ai fait aussi un petit bout de lettre pour la mère Pierceau pour lui recommander les caleçonsb, un autre pour la couturière pour lui faire acquitter et dater la note de Claire [1]. Il me reste encore à me débarbouiller et à m’habiller.
Tu auras ton petit souper prêt ce soir, tâche de ne pas venir trop tard. Je n’ai pas d’autre distraction, pas d’autre intérêt, pas d’autre joie dans cette vie que de te voir, tâche de ne pas me les faire si rares.
Il fait un temps ravissant aujourd’hui, c’est bien dommage que nous ne puissions pas en profiter tous les deux. Je voudrais, mon pauvre bien-aimé, que tu prissesc sur toi de me mener voir mon père [2]. Ce serait une bonne action et un devoir rempli de ta part et de la mienne. Je suis plus triste que je n’ose te le montrer quand je pense que je n’ai pas même la faculté de disposer d’une heure pour une chose aussi légitime. Enfin, mon Toto, tâche de m’y mener demain. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16345, f. 257-258
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « main ».
b) « calçons ».
c) « prisse ».

Notes

[1Claire vient de faire sa première communion, le jeudi 27 mai, et c’est Mme Laporte, couturière, qui était chargée de sa toilette. L’ensemble coûte 72 F., somme que Juliette trouve modérée et consciencieuse, à laquelle s’ajoute le prix d’un petit bandeau, mais malgré tout cela, l’adolescente « n’avait même pas de souliers blancs » (lettre du samedi 29 mai au soir).

[2L’oncle de Juliette, René-Henry Drouet, est hospitalisé aux Invalides, très malade.

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