12 décembre 1863

Guernesey, 12 décembre [18]63, samedi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime et vous ? Comment as-tu passé la nuit, mon doux adoré ? Est-ce que tu as encore eu de l’insomnie cette nuit ? Tu pourras me le dire tantôt mais jusque-là mon âme te couvre de sollicitude et de tendresse. Je crois que je me suis levée avant toi ce matin car jusqu’à présent rien ne bouge dans ton luckoot. [illis.] c’est mieux si tu peux dormir encore, cela ne peut que te faire du bien. Quant à moi j’ai peu et mal dormi je ne sais pas pourquoi puisque je n’ai eu aucun pyrosis [1]. Du reste, ce phénomène ne m’étonne pas, au contraire, donc je ne m’en porte pas plus mal ce matin et voilà l’essentiel. Je ne sais pas si le temps permettra que nous sortions et si tes tracasseries du samedi m’en laisseront le loisir mais ce que je sais jusque dans la moelle de mes os c’est que j’ai faim et soif de toi et que je regrette tous les jours le temps où nous vivions côte à côte sans rien entre notre amour. Ce n’est pas que je me plaigne de mon sort présent, à Dieu ne plaise, que j’aie cette ingratitude envers lui et envers toi, mais rien ne vaut pour mon cœur le bonheur de vivre seul à seul avec toi. Je te l’ai déjà dit et je te le répète parce que c’est mon sentiment de plus en plus absolu et que je ne peux pas m’empêcher de te le dire. Cher, cher bien-aimé, aimons-nous toujours le plus près possible quelles que^a soient les nécessités de la vie et les circonstances qui nous commandent afin de nous trouver prêts à sortir de ce monde ensemble, âme dans âme, ailes dans ailes.

J.

BnF, Mss, NAF 16384, f. 280
Transcription de Gérard Pouchain

a) « quelques ».