Guernesey, 27 novembre [18]63, vendredi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, rien ne manquerait à mon bonheur ce matin si j’étais bien sûre que tu as passé une aussi bonne nuit que la mienne. Dans le doute, je t’aime, je t’aime, je t’aime, ne pouvant pas faire davantage. Je n’ai pas encore vu ma sœur et j’ignore comment elle a dormi dans son nouveau logis. Du reste, mon cher petit homme, je crois que nous ferons bien de ne pas insister sur sa coopération au Nain Jaune. Ma sœur tient à ses liards et de plus elle est mauvaise joueuse, son mari le dit et elle-même en convient, et quoiqu’il soit assez maussade d’avoir près de soi une personne immobile et indifférente, cela vaut encore mieux que de sentir une femme grincheuse et mécontente. Je suis fâchée que cette déplaisante vérité s’applique à ma sœur mais comme le dit Peter : JE N’Y PEUX PAS QUE FAIRE. Soyons donc gais sans elle, perdons et gagnons nos liards PHILOSOPHIQUEMENT et fichons-nous du reste. En attendant je lui prête mon unique morceau de miroir pour faire sa toilette mais il serait plus commode et moins fatiganta d’en avoir un en bas et un en haut. Ce ne serait pas trop de deux pour trois femmes, qu’en dites-vous l’homme aux glaces… partout et ailleurs ? J’attends votre réponse la tête haute et le bonnet de travers. Cher, cher adoré, aime-moi et tâche d’avoir passé une bonne nuit pour que je sois heureuse toute la journée. Ta santé, c’est ma joie. Ton amour, c’est ma vie. Je t’adore.
J.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 265
Transcription de Gérard Pouchain
a) « fatiguant ».