Guernesey, 11 novembre [18]63, mercredi soir, 2 h. ½
Il ne sera pas dit, mon cher bien-aimé, que cette maussade journée de pluie et de vent se passera pour moi sans joie et sans bonheur. C’est pour cela, qu’à défaut de soleil, je me hâte de mettre dans ma chère restitus tout ce que j’ai d’amour dans l’âme. Au fur et à mesure que le moment où je dois te voir je sens toutes mes douleurs et toutes mes infirmités se fondre et se dissiper comme par enchantement. Je suis sûre que ce soir je me porterai très bien et que je serai très GEAIE. En attendant Suzanne a invité le petit Pelleport de notre part, c’est bien le moins qu’on donne à dîner à ce pauvre garçon qui hasarde deux naufrages pour te voir quelques minutes [1]. Espérons que sa vieille grand-mère ne se tourmentera pas de son escapade non préméditée et du reste. Elle doit être un peu habituée à ses fugues méridionalesa. Suzanne a fait la commission de l’or sous ta direction mais je ne vois pas jusqu’à présent que cela ait servi à grand-chose comme résultat sur la qualité du susdit or. Peut-être en sais-tu davantage. C’est tout ce que je demande. Sur ce, mon cher adoré, je te baise à bon titre [et ?] et au poids de mon amour qui est le vrai du vrai.
J.
BnF, Mss, NAF 16384, f. 250
Transcription de Gérard Pouchain
a) « méridionnales ».