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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 22 octobre 1855, lundi après-midi 3 h. ¾

Asplet [1] sort de chez moi. Il y était venu pensant t’y trouver parce ce que ta femme lui a dit que tu étais sorti. Je lui ai conseillé d’aller voir chez Dulac si tu y étais car Mme Larrieu étant venue tantôt et s’étant hâtée de me quitter, j’ai pensé que tu avais pu la rencontrer et la reconduire chez elle. Tout cela sans préjudice de ton travail et des visites que tu devais avoir chez toi. Quant à moi, j’étais occupée fort naïvement à copier les intercalations des Mages [2] sans songer que je pouvais peut-être mieux employer mon temps en allant vous rejoindre tous les deux. Maintenant il est peut-être un peu tard et puis j’ai le cœur plus triste que le temps, ce qui n’est pas peu dire aujourd’hui. Je reste chez moi, cela vaut encore mieux que de courir après des déceptions plus ou moins odieuses. Voilà ce que Philippe Asplet voulait te demander s’il t’avait rencontré s’il était prudent de faire sortir Allix de l’hôpital. Il paraît qu’il est tout à fait rétabli et que le directeur de l’hospice croit qu’il serait dangereux, la raison étant revenue, de laisser ce pauvre diable parmi les fous [3]. Là-dessus, je n’ai pu lui donner aucun conseil si ce n’est de lui renouvelera de nouveau celui de te chercher chez Dulac. Je ne sais pas s’il l’aura suivi. Du reste, le pauvre centenier [plusieurs mots illisibles]. À propos des affaires de la proscription il m’a dit qu’il n’avait jamais rien vu de pareil se produire dans l’île. On l’insulte lui, dans les rues, au tribunal et jusque dans sa boutique. Son commerce en souffre beaucoup ainsi que celui de son frère [4]. Voilà ce que c’est que de se dévouer aux proscrits en général et de les aimer en particulier. Ah ! si jamais on m’y rattrape c’est qu’il n’y aura plus dans ce monde d’autres femmes que moi et que je n’aurai pas à craindre à tous les instants de ma vie les trahisons et les infidélités sous tous les prétextes et sous toutes les formes.

Juliette

BNF, Mss, NAF 16 376, f. 338-339
Transcription de Magali Vaugier assistée de Florence Naugrette

a) « renouveller ».

Notes

[1Philippe Asplet, centenier et vendeur de bougies.

[2« Les Mages », poème des futures Contemplations (VI, 22), composé le 24 avril 1855.

[3Les séances de tables parlantes s’étaient interrompues le 9 octobre après une crise de démence du proscrit Jules Allix. Il doit être interné.

[4L’épicier Charles Asplet.

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