Jersey, 15 octobre 1855, lundi midi
Cher adoré bien-aimé, je crois que les RESTITUS sont comme les bains de mer et qu’il est dangereux de les reprendre en dehors de leur saison après quelques jours d’interruption [1]. Cependant je t’obéis tout en pressentant le danger pour moi de cette trop grande docilité à tes moindres volontés. Je préfère après tout mourir [par ?] de trop confiance en toi que de vivre dans des transes continuelles de défiance sur la sincérité de ton amour. Donc jea reprends ma restitus au point où je l’avais laissée c’est-à-dire au fin fond de mon cœur. Je t’aime, mon cher petit homme, je t’aime à la face de Dieu et des femmes sans reproche et sans peur avec les purs rayons de mon âme et le téméraire courage de mon cœur. Je t’aime avec la calme sérénité d’un ange du ciel et avec toutes les ardentes inquiétudes jalouses d’une pauvre femme. Je t’aime plus que la langue humaine ne pourrait l’exprimer. Je t’aime depuis l’amour qui commence à l’enfant pour sa mère jusqu’à celui qui finit à la mère pour son enfant. Je t’aime plus que la vie, je t’aime autant que Dieu, je t’aimais dans les vies antérieures et je sens que je t’aimerai [pendant ?] l’éternité.
Juliette
BNF, Mss, NAF 16 376, f. 332-333
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
a) « je je ».