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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 février [1836], samedi matin, 10 h.

Bonjour cher bijou, bonjour mon adoré, comment as-tu passé la nuit ? Moi, je suis toujours un peu souffrante, et je pense plus que jamais à la possibilité d’un joli petit enfant, tant pis pour vous.
J’ai passé la nuit avec cette idée là et je t’avoue qu’elle n’a pas peu contribué à me faire prendre mon mal en patience. Ce matin je suis très souffrante encore, mais j’espère que cela se dissipera dans la journée.
Bonjour, mauvais sujet, qui courez les bals, les répétitions, les réunions et les estaminets, bonjour. Je vous aime, c’est-à-dire que je ne devrais pas vous aimer mais je vous aime, je ne peux pas faire autrement et même si vous voulez que je dise toute la vérité : je vous adore.
Cher petit homme chéri, je voudrais bien que ce qui m’occupe soit vrai. Il me semble que la joie que j’en éprouverais suffirait pour me guérir à l’instant même. Tu ne sais pas le bonheur que cet autre petit toi répandrait sur ma vie. Tu ne sais pas quelle joie, quelle félicité j’aurais en ayant un petit double de toi qui m’appartiendrait en toute propriété. Rien que d’y penser la joie m’en vient au cœur comme si cela était.
Je t’aime mon Victor. Je t’aime, voilà tout ce que je puis dire. C’est tout ce que je sens. Je t’aime.

J.


BnF, Mss, NAF 16326, f. 143-144
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa
[Souchon, Massin, Blewer]


27 février [1836], samedi soir, 8 h. ½

Décidément je crois que je le suis, je le crois à beaucoup de symptômes dont un seul suffirait pour être bien certaine. D’abord, je vous aime plus que je ne l’ai jamais fait ; ensuite, je suis très chipie. Ce que j’ai désiré il y a une minute me fait mal au cœur à présent. Je viens de faire l’expérience que les pommes qui autrefois ne me passaient pas me réussissent très fort à présent. Enfin, je sais ce que je sais, je sens ce que je sens, et je dis plus que jamais : je crois que JE LE SUIS.
Cela n’empêche pas que nous ne prenions nos précautions pour ne pas manquer notre coup comme on dit. Je vous attends ce soir très tôt ; et je vous promets d’être très prête.
Mon cher petit bijou, je n’ai pas pu rien manger, qu’une moitié de pomme ; comme elle m’a très bien réussi, je vais en manger parce que je veux être forte comme un Turc quand tu viendras tout à l’heure.
Vous voyez bien que vous étiez à cette comédie, vous voyez bien que vous vous faites faire des bottes rouges, vous en êtes témoin ; même que j’ai le droit de me déguiser en odalisse et de faire ma belle à l’ami carême qui est aussi le mien. Cependant, je vous n’aime.

J.


BnF, Mss, NAF 16326, f. 145-146
Transcription d’André Maget assisté de Guy Rosa

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