Jersey, 2 août 1855, jeudi après-midi, 4 h.
Je t’aime, mon cher petit homme, je suis heureuse de savoir que tu es heureux au milieu de ton petit groupe complet [1]. Cette pensée me donne la patience de t’attendre sans trop d’ennui. Cependant dès que Vacquerie aura fini de vider son sac aux immondices impériales et de dévider le chapelet de tous les dévouements et de toutes les amitiés restéesa fidèles à toi, je te prierai de venir me relever de ma faction de Juju perdue. Du reste, mon cher petit homme, comment va ton torticolis ? Voilà un temps qui ne doit pas lui aller beaucoup, je le crois ; quant à moi, j’ai un torticolis général, qui m’empêche de remuer ni pieds ni pattes et qui me fatigue beaucoup. Dieu ! quels torrents de pluie ! Heureusement que vous êtes tous à l’abri, mes pauvres MOINEAUXb. Vacquerie a eu une chance d’avoir fait son entrée ou la rentrée à Jersey à pied sec ce matin. Si j’avais été de l’escorte, il est probable qu’il n’en n’aurait pas échappé une goutte. Telle est ma force barométrique. J’ai reçu une lettre collective des Luthereau qui me chargent de te remercier avec la plus profonde reconnaissance [2]. Seulement comme Luthereau tientc à remettre ta lettre à Dumas en main propre, il s’ensuit qu’il l’a encore en portefeuille car il lui a été impossible de rejoindre Dumas ni d’avoir une réponse de lui jusqu’à présent. Peut-être n’est-il pas à Paris ? Mais dans la position si nécessiteuse de ces pauvres gens, on comprend leur impatience. Quant à Asplet [3], il paraît qu’il était au septième ciel de ton cadeau et qu’il rayonnait de joie ; ce que je comprends parfaitement d’après moi-même.
Maintenant, je vous demande la main sur votre gilet de flanelle, si tout cela vaut la peine d’être gribouillé et si nous ne sommes pour aussi bêtas les uns que les autres de vous fourrer le nez dans ces orties sous prétexte de restitus.
J.
BnF, Mss, NAF 16376, f. 303-304
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa
a) « restés ».
b) « moinieaux ».
c) « tint ».