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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 9 avril 1855, lundi après-midi

J’aurais donné de bon cœur hier à tous les diables les petits Préveraud qui interrompaient si mal à propos mon admiration et mon bonheur de t’entendre, mon formidable bien-aimé, mais cela ne m’aurait pas initiée à une syllabe de plus, à mon grand regret, hélas ! Quelle sublime trombe de colère, de mépris et d’indignation, mon flamboyant bien-aimé [1] ! On est terrifié et ébloui tout à la fois. Ta pensée fait le bruit du tonnerre et chacun de tes mots est un éclair qui brûle et qui foudroie le coupable. Cette exécution morale que tu fais subir à ce misérable est dix millions de fois plus affreuse et plus effrayante pour l’âme que toutes les plus atroces tortures du Moyen Âge. Quelle poésie de souffre et de feu ! quel châtiment tu infliges à ce monstre empereur, et encore je ne connais pas tout… grâce à la présence de mes insignifiants petits convives bourgeois. Je n’ose pas espérer que tu daigneras achever de m’initier à là la suite de l’effroyable chose mais je te suis bien reconnaissante de ta première bonne [illis.].

Juliette

BNF, Mss, NAF 16 376, f. 147-148
Transcription de Magali Vaugier assistée de Guy Rosa

Notes

[1Hugo adresse la 8 avril une lettre ouverte à « Louis Bonaparte », intitulée « l’Empereur va à Londres », à l’occasion de sa visite à la Reine Victoria après la Guerre de Crimée qui opposa la Russie à une coalition regroupant la France, le Royaume-Uni et le royaume ottoman et s’acheva par la victoire de cette coalition. Hugo, retrouvant la verve polémique de Châtiments, feint d’exhorter Napoléon III, « faux monnayeur de l’honneur », à renoncer à sa visite : « Ne venez pas dans ce pays ! » Le peuple anglais libre en pourrait que conduire à l’échafaud un tyran comme Napoléon III. Venir à Londres serait aussi prétendre faire oublier que, pendant les réjouissances officielles, les proscrits et les condamnés meurent en captivité dans des conditions atroces. Mais rien ne sauvera la mémoire salie d’un criminel finalement pitoyable, ce qu’indiquent les derniers mots de la lettre : « Je vous plains, monsieur, en présence du silence formidable de l’infini. » (Actes et paroles, 2).

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