Guernesey, 26 février 1862, mercredi matin, 8 h.
Bonjour, mon ineffable adoré, bonjour, je t’aime, je te souris et je t’envoie mon âme dans un baiser. J’espère que tu as passé une aussi bonne nuit que moi-même et que tu te portes, à mon exemple encore, comme un Pont-Neuf. Cela étant, je suis très contente et très heureuse ce matin et je t’attends toutes voiles dehors et le cœur aussi !
Je ne comprends pas, mon cher adoré, comment tu as pu te méprendre hier au soir sur l’expression de ma figure car tout était bonheur pour moi en ce moment-là même. Seulement, la présence de ton fils m’impose un redoublement de réserve et je garde l’expansion complète de ma joie pour notre intimité absolue. Voilà pourquoi, mon cher petit homme, je t’ai semblé froide et réservée quand je n’étais que concentrée, heureuse et ravie dans mon for intérieur. Maintenant que tu sais cela, tu ne t’y tromperasa plus jamais, n’est-ce pas, mon adoré ? En attendant, je te recommande beaucoup de prudence ce matin pour te soustraire au mauvais effet de ce froid noir et agressif et je te bénis du fond de mon âme.
BnF, Mss, NAF, 16383, f. 51
Transcription de Marie Rouat assistée de Chantal Brière
a) « trompera ».