Guernesey, 13 février 1861, mercredi, 9 h. du matin
Bonjour, mon tout bien aimé, bonjour amour, santé, bonheur. Bonjour, je te bénis et je t’adore. J’espère que tu as passé une bonne nuit et que tout ton système va aussi bien ce matin qu’il allait hier au soir en me quittant. Cette pensée me donne du cœur au ventre et me rend joyeuse malgré le vent et la pluie. Hélas, mon pauvre adoré, je n’ai pas pu éviter la fameuse Dinde ! Que va dire Charlot ? Rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule ! Encore, si j’étais sûre que toi et ton Victor (François) en ferez vos choux gras, de ma dinde, je me consolerai mais j’ai une peur de chien que vous ne crachiez tous dessus à qui mieux mieux, ce qui me désespère. Dans cette détresse, je me raccroche à toutes les côtelettes de mouton du (marché) ! Quant aux poissons, il n’y faut pas songer par cet affreux temps. Enfin nous ferons vie qui dure et nous remplacerons par plus, plusieurs pas de hâte, les parties absentes de notre menu. Pourvu que tu te portes et bien et que tu me sourisses, je me bats l’œil de tout le fricot, à preuve, baisez-moi, je vous adore.
BnF, Mss, NAF 16382, f. 42
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Florence Naugrette