Guernesey, 29 mai [18]63, vendredi matin, 7 h. ¾
Je te guettais depuis 6 heures pour te dire bonjour et ce n’est qu’à ta troisième apparition que j’ai pu te jeter mon bonjour et mon âme à la tête. Dieu soit loué ! je t’ai vu, je crois que tu vas bien, je CUIS heureuse. Quant à moi, je rendrais des points au Pont-Neuf [1] ce matin, j’espère que c’est assez fort. Hélas, je crains que le temps ne soit gâté pour toute la journée et notre promenade à veau l’eaua, par conséquent. C’est dommage car rien n’est plus doux et plus charmant pour moi que nos promenades à travers champs et à travers choux. La privation m’en est d’autant plus pénible que je ne te vois ordinairement que pendant ce moment-là. J’espère que dans l’autre maison [2] tu me donneras des compensations en venant travailler auprès de moi. Tu me l’as promis, mon doux adoré, et je suis sûre que tu es un homme de parole. C’est à ce point que je compte tranquillement et sans la moindre émotion sur ton cadeau d’échange [pour ?] Marquand contre mes deux cocottes en faïenceb : cocottes de papier contre cocottesc de Delft, cela se vaut et même je te redevrais quelque chose si tu n’étais pas si généreux. Voime, voime, viens-y, MALHEUREUX, et tu verras ce qui t’attend…derrière la porte. En attendant, je surveille mes cocottes emplumées et mon tonnelierd trop naïf et je t’aime de toutes mes forces.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 141
Transcription de Chantal Brière
a) erreur volontaire ou non ?
b) « faïences ».
c) « coccottes ».
d) « tonnellier ».