Guernesey, 6 avril [18]63, lundi matin, 11 h. ½
Ceci est la pierre d’attente de ta chère petite visite de tout à l’heure, mon doux adoré, mais comme je veux pouvoir sortir avec toi tantôt je fais prendre l’avance à ma restitus. J’espère que tu as bien dormi et que tu te portes tout à fait bien ce matin à en juger par ta télégraphie joyeuse [1]. Mais pourquoi n’avoir pas mis ta PANOPLIE [2] au grand air aujourd’hui qu’il fait sec et beau quand tous les jours de brouillard, voire même de pluie, tu les étales imperturbablement ? Quel est donc ce caprice ? THAT IS THE QUESTION. J’ai compté ce matin avec ta Marie [3] et j’ai fait ma police accoutumée plutôt pour la forme que pour le bien de la chose car elle peut me dire tout ce qu’elle veut. Enfin ma conscience fait son devoir, j’espère que la sienne emboîte le pas et que tout est pour le mieux dans son arithmétique. Quant à mon pas de clerc [4] auprès de Mme Allez il ne me fera jamais aller plus loin que tu ne voudras ainsi ne t’en préoccupea pas autrement. Il faudrait d’ailleurs que l’avantage fût grand et très réel pour mener cette combinaison jusqu’au bout car il ne faut pas se dissimuler les énormes frais de déménagement et d’emménagementb que nous aurons à supporter sans compter la fatigue et l’ennui de ces sortes de transvasement. Le désir de ne pas te perdre de vue une minute et le besoin impérieux d’une plus grande maison peuvent seuls m’y pousser. Je t’aime.
BnF, Mss, NAF, 16384, f. 89
Transcription de Chantal Brière
a) « préocupe ».
b) « enmémagement ».