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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 décembre [1844], dimanche soir, 11 h.

Tu es bien gentil, mon Toto chéri, d’être venu ce soir deux fois. Mais tu l’aurais été encore bien davantage si tu étais resté plus longtemps et surtout si tu étais venu pendant que j’étais seule. Mais en somme je suis très heureuse des trois minutes que tu m’as données et je les ai savourées malgré la présence de ces trois jeunes demoiselles. Maintenant que je suis seule vous vous donnez bien de garde de venir. Taisez-vous, vous êtes une bête. Je ne vous donnerai pas vos Étrennes. Je serais très fâchée mon Victor adoré si M. P… [1] t’a fait faire une démarche inconvenante. J’en serai d’autant plus fâchée que ce sera moi qui t’en aurai prié. Vraiment ce serait bien mal à lui de me faire servir à de mauvaises choses et je crois que je ne lui pardonnerais pas si cela était. Attendons que cela s’éclaircisse davantage. Il serait très possible à la rigueur que le Paillard [2] fûta l’avocat de la Dame2. Et qu’il ne fûta pas fâché chemin faisant de jeter une nouvelle honte de plus sur le mari. Nous verrons du reste après-demain ce qui résultera de ce scandaleux procès.
En attendant mon cher bien-aimé, aimons-nous, soyons-nous bien fidèles, donnons l’exemple à tous ces gens-là d’un amour devenu saint et sacré à force de loyauté et de dévouement. Et puis plaignons-les tous tant qu’ils sont, les trompeurs et les trompés, car au fond de toutes ces turpitudes il y a bien des larmes et bien des désespoirs.
Je baise tes pieds mon adoré et je t’aime de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 181-182
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
[Siler]

a) « fut ».

Notes

[1Le sculpteur James Pradier, père de sa fille Claire, dont l’épouse, Louise d’Arcet a été surprise en flagrant délit d’adultère le 11 décembre. Dans sa lettre du 15 décembre après-midi, Juliette se fait l’intermédiaire de Pradier auprès de Victor Hugo pour lui demander d’écrire à M. Debelleyme, président du tribunal de première instance de la Seine, en faveur de son épouse. Ce qu’il fait le 18. Le 23 décembre, par l’intermédiaire de Juliette, Pradier sollicite de Victor Hugo une nouvelle lettre de rappel pour Debelleyme, avant l’entretien qu’il doit avoir de nouveau avec lui le 24. Le 24, Debeylleme autorisera Louise à résider à l’établissement des Néothermes pendant la durée de l’instance. [Douglas Siler, ouvrage cité, t. III, p. 107, n. 2.

[2Douglas Siler (ibid., p. 106) se demande si Juliette fait un lapsus pour Paillet (avocat de Pradier) pour jouer avec le nom de l’avocat Paillard de Villeneuve.

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