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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 novembre [1844] mercredi matin, 10 h.

Bonjour mon Toto chéri, bonjour mon Toto adoré, bonjour mon cher bien-aimé. Bonjour mon cher amour, je t’aime. Je me suis aperçuea quand tu as été parti que j’avais oublié de te donner du papier. Pourvu que tu n’en aies pas eu besoin et que cela ne t’ait pas gêné ? Je ne pense jamais aux choses que quand il n’est plus temps mais je sais très bien faire les pâtés, témoin celui-ci-dessus. J’espère qu’il est de taille…Voilà ce que je sais faire, mais les choses utiles, non. Cependant je sais bien vous aimer et mieux que personne ne pourrait le faire. Ceci n’est ni un pâté ni une brioche, c’est du bel et bon amour dans lequel vous pouvez mordre hardiment sans craindre de le trouver rance ou rassis.
Je ne veux pas t’empêcher de te reposer, mon cher amour adoré, et de faire tes devoirs envers le monde. Ainsi ne te prive pas d’aller chez Mme de Girardin quand tu te trouveras aux Champs-Élysées et que tu te sentiras le besoin d’y aller. Je reconnais que j’ai été parfaitement bête et supérieurement stupide hier en te demandant de n’y pas aller. Pauvre cher ange adoré, pardonne-moi. À force de t’aimer, je deviens féroce. Je m’en aperçois quand je te fais des scènes injustes. Il vaudrait mieux que je m’en aperçusse avant, cela aurait moins d’inconvénients. Je fais cependant tous mes efforts pour ne pas te tourmenter, tu sais comme j’y parviens. Enfin la bonne volonté doit m’être comptée car elle me coûte déjà beaucoup. Toi tu es la douceur, la bonté, la générosité, l’indulgence, la noblesse, la grandeur, la beauté divine et l’homme sublime que j’aime, que je vénère, que j’admire et que j’adore. Je baise tes chers petits pieds. Je t’attends et je te désire de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 71-72
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette

a) « aperçu ».


20 novembre [1844], mercredi soir, 7 h. ¾

J’allais t’écrire mon bien-aimé, quand tu es venu. Seulement tu n’es pas resté assez longtemps. Tu ne restesa jamais assez longtemps en supposant même que tu ne quittes pas ma maison soir et matin, nuit et jour, ce ne serait pas encore assez longtemps. Je voudrais pourtant bien te dire quelque chose de nouveau. Je sens que je suis aussi amusante qu’une cloche et cela m’ennuie et me fatigue pour toi. J’ai beau chercher je ne trouve rien que mon éternel refrain de tous les jours et de tous les instants. Pour moi qui l’aime cela me fait plaisir mais pour toi cela peut te sembler monotone au dernier point. Mais qu’y faire mon pauvre bien-aimé ? Je n’en sais rien. Et comme il faut que je remplisse cette feuille de papier je ne peux le faire qu’avec ce que j’ai dans le cœur, ça n’est pas ma faute. Je me suis assurée aujourd’hui que vous ne sentiez [1] presque plus ; aussi demain je vous réintègre sur votre piédestal pour n’en plus bouger. Ô si je pouvais en faire autant de l’autre VOUS, comme je vous mettrais et comme je vous garderais dans un bon petit endroit dont vous ne pourriez plus sortir. Vous auriez beau dire « Juju je vais revenir tout de suite », Juju ne vous écouteraitb pas et vous seriez forcé de ne pas me quitter. Malheureusement ce n’est pas le plus meilleur que je tiens sous clef, c’est ce qui me défrise. Cependant il est bien gentil mais il n’est pas en BEAU voilà son défaut. Enfin tel qu’il est il me plaît et je le garde, ne pouvant pas en garder un plus ORIGINAL. Baisez-moi vilain VACABOND et dépêchez-vous à revenir bien vite ou j’irai vous chercher.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16357, f. 73-74
Transcription d’Yves Debroise assisté de Florence Naugrette
a) « reste ».
b) « écouterais ».

Notes

[1Dans sa lettre du 12 novembre au soir Juliette écrivait : « Je m’aperçois que votre ravissant petit buste m’empoisonne il va falloir que je le mette à la porte pendant quelques jours si je ne veux pas mourir asphyxiée. Cela me vexe mais je sens qu’il le faut. »

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