Guernesey, 17 novembre 1858, mercredi, 8 h. ½ du m[atin]
Bonjour, mon bien-aimé ; bonjour, je t’aime et vous ? As-tu mieux dormi enfin cette nuit que les précédentes ? Il ne faudrait pas prendre l’habitude de l’insomnie car rien n’est plus difficile à chasser ensuite ; j’en sais quelque chose, moi, qui ai cette infirmité chronique. Et puis, mon bien-aimé, es-tu sûr de la salubrité de ton logis actuel [1] ? Ce que j’en ai entendu dire l’autre fois, exagérationa à part, me paraît peu hygiénique : le voisinage du sol, l’absence de cheminée, tout cela ne me semble pas très sain, sans avoir d’inquiétude de bien définie sur le danger pour toi d’un autre anthrax [2], je crois qu’il serait pourtant prudent de ne pas t’exposer à de nouvelles maladies faute d’un peu de précautions et de soin. Ceci est tellement élémentaire que je me trouve grotesque de te le dire ; mais en même temps, je connais ton mépris pour tout ce qui regarde ton bien-être personnel et je sais jusqu’où tu pousses la témérité de la santé. Voilà pourquoi j’insiste sur mes recommandations, espérant qu’à force de te les répéter, tu feras profit de quelques-unes, non pour toi, au moins par bonté et par pitié pour moi, que le moindre de tes bobos met au champ. En attendant que tu m’apportes ton cher petit bec, je te baise de l’âme.
Bnf, Mss, NAF 16379, f. 324
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette
a) « exasgération ».