[1833] [1]
Je veux t’écrire une bonne lettre, mon Victor – Je ne veux pas que tu t’aperçoivesa de ma morosité – Je ne veux pas que tu me voies comme je suis quand tu n’es pas là – Cela t’affligerait – ou t’impatienterait et je ne veux ni l’un, ni l’autre – Je veux que tu me voies ce que je suis réellement – amoureuse de toi jusqu’à la frénésie – jusqu’à la patience la plus résignée – ce qui est bien plus miraculeux –
Oui, je t’aime de toutes les façons – dans tous les temps et toujours davantage – Je t’aime, reviens vite, il est déjà minuit – Je commence à perdre l’espoir de te voir – et avec mon espérance s’en va la faculté d’être douce et aimable.
Dans un moment, je serai tout à fait mécontente et chagrine – Je ne saurai plus que détester les obstacles qui sont entre nous – et je t’aimerai d’autant plus que je souffrirai davantage.
Adieu – Tu es bien heureux de m’aimer raisonnablement – et pourtant, je ne changerai pas avec toi – J’aime mieux souffrir et t’aimer de toutes mes forces.
Juliette
[Adresse]
Pr toi mon adoré
BnF, Mss, NAF 16322, f. 148-149
Transcription de Jeanne Stranart et Véronique Cantos assistées de Florence Naugrette
[Souchon]
a) « appercoive ».