27 janvier [1849], samedi après-midi, 1 h. ½
C’est tout ce que je peux faire, mon adoré, que d’être prête à présent, avec l’obligation d’arranger et de raccommoder mes affaires un peu tous les jours. Tu ne peux pas savoir combien cette sortie de tous les jours cause de perturbation dans mon pauvre petit ménage et cependant je n’y renoncerais pas pour rien dans le monde, tant que ce sera la seule chance de te voir.
Justement, te voici, mon amour. Je te finirai mes lamentations tantôt. Hélas, ce n’est que le porteur d’eau. Ma joie n’a pas duré plus longtemps que mon erreur.
Je te dirai, mon amour, que ta couturière est venue ce matin et que je lui ai fait remporter le paletot parce qu’il y avait un demi-lé de l’ancienne vieille soie sous prétexte qu’elle s’était trompée sur la quantité et qu’elle y perdait déjà 2 F. 10 sous. J’ai exigé qu’elle le remporte pour remplacer le demi-lé vieux par ce neuf en consentant toutefois aux 2 F. 10 sous et elle le rapportera lundi matin, de manière à ce que tu puisses le mettre pour aller à l’Assemblée si tu veux. J’ai fait pour le mieux mais dorénavant je préférerais qu’elle eût affaire à toi directement. Du reste, à part ce petit incident je pense que tu en seras content et qu’il te fera autant de profit que neuf. Comment va ta gorge, mon cher adoré bien-aimé ? J’espère qu’elle va bien et que tu pourras donner ton ut de poitrine lundi sans effort et sans souffrance [1]. En attendant je te baise plus que partout.
Juliette
MVH, a8146
Transcription de Florence Naugrette
27 janvier [1849], samedi après-midi, 1 h. ¾
Je t’écris avec toutes mes fenêtres ouvertes comme par une journée de printemps. Cependant le vent qui souffle sur mes doigts me fait bien voir que nous n’en sommes pas encore à cette saison joyeuse et charmante. Je n’ai pas encore commencé à copier, mais j’ai tout lu et relu et je suis bien heureuse. À part deux ou trois mots dont je ne suis pas sûre, je crois que j’ai tout déchiffré et cela sans la moindre peine, AU CONTRAIRE. Aussi j’admire, j’applaudis, je grince, je souris et je pleure tout à la fois. Je regrette que toutes ces belles choses ne soient pas publiées tout de suite. Quel effet dans le public ! Quelle confusion et quelle rage parmi ceux de la veille ! Quel bonheur et quelle admiration parmi tous les honnêtes gens ! D’y penser j’en pousse des cris d’amour et de joie. Malheureusement cela ne sera pas de si tôt, voilà ce qui me vexe. En attendant je vais me délecter à te copier vers à vers, avec l’espérance que tu m’en donneras encore d’autres après ceux-là. Merci, Toto, merci, mon adoré Toto. On resonne. Cette fois-ci ce doit être toi à moins que le diable ne s’en mêle.
JUJU
MVH, a8147
Transcription de Florence Naugrette