Guernesey, 9 avril 1858, vendredi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour, mon adoré petit homme, comment vas-tu ce matin ? Moi j’irais trop bien car je t’aime de toutes mes forces mais j’ai la sciante visite d’aujourd’hui [1] qui me tourmente plus que la colique et dont je voudrais bien être délivrée sans avoir l’ennui de la FAIRE. Cependant, je m’y prépare en grognant contre les absurdes conventions de la prétendue politesse qui vous imposent toujours une grosse corvée à côté d’un petit plaisir. Enfin, la visite est tirée, il faut la boire et le plus tôt possible. Puis, si le temps n’est pas tout à fait hideux, nous irons bras dessus, bras dessous bien bric-à-bracabriser et nous promener tant que les jambes pourront nous porter. Pour cela, je me dépêche de [toutouner, tontonner ?] mon ménage à la hâte. Nous conviendrons ensemble de l’heure de ma visite et de notre sortie quand tu viendras me voir ce matin car j’espère que tu viendras peut-être avant ton déjeuner. En attendant, je t’aime à grands traits de cœur et d’âme et je te baise du bec de ma plume et de mon bec.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16379, f. 77
Transcription d’Anne-Sophie Lancel assistée de Florence Naugrette