31 décembre [1848], dimanche matin, 8 h. ½
Bonjour, mon adoré bien-aimé, bonjour. J’ai passé toute ma soirée d’hier et une partie de la nuit à t’espérer. Il me semblait à chaque instant que la force et l’étendue de mon amour et de mes désirs seraient une attraction à laquelle tu ne résisterais pas. Tu sais si j’ai eu raison, je ne t’accuse pas mon doux adoré, je t’aime et je souffre voilà tout. Je me suis levée ce matin assez mal en point mais quand je te verrai je n’y penserai plus. Ta présence est pour moi la panacée universelle. C’est bien malheureux qu’elle devienne de jour en jour plus rare. Je ne t’accuse pas, je te le répète pour que tu sois bien convaincu qu’il n’y a dans mes regrets aucune mauvaise humeur contre toi. Il n’y a que la tristesse inévitable dans cette positiona si contraire à tout bonheur. Si tu m’aimes encore tu dois éprouver quelque chose d’analogue malgré la grande et sainte mission dont le bon Dieu t’a chargé. S’il en est autrement c’est que tu ne m’aimes plus et alors tu dois prendre avec impatience et avec ennui toutes les plaintes qui m’échappent. S’il en est ainsi, mon bien-aimé ! tu devrais me le dire franchement et m’épargner par cet aveu le ridicule et l’odieux de te tourmenter inutilement. J’aurais le courage de tout supporter hors celui de t’imposer mon amour.
Juliette
MVH, 9033
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
a) « potition »
31 décembre [1848], dimanche soir, 5 h. ¼
Je suis comblée, mon adoré, je suis ravie, je suis heureuse. Tout ce qui pleurait et souffrait en moi il y a un moment sourit et te bénit. Tu m’as donné en un moment toutes les richesses et tous les bonheurs. Mais mon Victor, merci et que Dieu te rende ma reconnaissance et ma joie en tout ce que tu désires. Je te souhaite beaucoup de lanternes chinoises, beaucoup de potsa, également chinois, beaucoup d’enfer et de carnaval de plus en plus chinois. Je te souhaite encore pas [mal] de magots vivants fussent-ils français et représentants ; et encore moins de magottes fussent-elles jeunes et jolies. Voilà mes souhaits de bonne année. J’espère qu’ils s’accompliront et que je verrai sourire ta belle bouche à toutes ces merveilles de l’autre monde. En attendant je n’oublie pas que tu me dois une lettre [1] demain et que tu m’as promis de revenir tout à l’heure. Je compte sur l’un et sur l’autre de ces deux bonheurs et j’anticipe d’avance dessus en étant dès à présent très heureuse, très heureuse, très heureuse.
Juliette
MVH, 9035
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Michèle Bertaux
a) « pot ».