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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mai 1848

26 mai [1848], vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon adoré Toto, bonjour, je t’aime.
Je ne voudrais pas te le dire que je ne trouverais rien autre chose en moi puisque je ne suis qu’amour depuis la tête jusqu’aux pieds. Plus je vais et plus je suis envahie par ce sentiment. Bientôt il ne restera plus rien de la Juju primitive, votre amour aura tout absorbé y compris la moellea des os.
Je vous ai attendu hier jusqu’à plus de onze heures mais sans grand espoir de vous voir. Vous étiez trop beau, vous sentiez trop bon et vous aviez beaucoup trop de gilet blanc piqué pour songer à revenir auprès de votre pauvre vieille Juju. Aussi je ne me suis pas fait illusion sur la possibilité de votre retour et si je vous ai attendu c’est uniquement par habitude et pour ne pas me dire tout de suite la triste et dure vérité à laquelle j’ai tant de peine à m’habituer. Enfin de guerre lasse. Je me suis couchée en vous souhaitant beaucoup de succès........ politique. J’ai rêvé de vous toutes la nuit et ce matin, à peine éveillée je vous griffouille un tas de billevesées [1] pour arriver le plus tard possible à mon dernier mot qui est : je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 203-204
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette
[Souchon, Blewer]

a) « moëlle ».


26 mai [1848], vendredi

Encore une journée qui se passera sans toi, mon doux bien-aimé. Hélas ! Je n’en suis plus à les compter ces affreuses journées, car depuis longtemps elles se succèdent avec une désespérante monotonie. Ce sont les jours heureux qui font exception maintenant, et tellement exception que voilà bientôt un an que nous n’en avons eu une tout entière. Je voudrais ne pas me plaindre mais cela vient malgré moi. Plus je t’aime et moins je m’habitue à cette vie à part que nous menons chacun de notre côté. Je sais bien ce que tu vas répondre, aussi je ne t’accuse pas. Je n’accuse que les événements et les circonstances dans lesquels tu te trouves placé. Mais tout cela ne fait pas que je ne sois pas malheureuse de vivre loin de toi et sans toi. La résignation n’est pas le bonheur, tant s’en faut. Tu m’as promis de faire tous les efforts pour revenir ce soir, aussi je serai rentrée pour l’heure, tu n’en doutes pas. D’ailleurs rien ne me plaît hors toi. Tout ce que je fais pour me distraire n’aboutit qu’à me faire changer d’ennui et à augmenter mon impatience. Je suis comme les malades qui s’agitent dans leur lit pour essayer de trouver une bonne position sans pouvoir y parvenir.
Mon Victor adoré, mon grand Toto, mon sublime petit citoyen je t’adore. Je n’ai de joie et de bonheur qu’en toi. Je voudrais mourir pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16366, f. 205-206
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Discours frivole, idées chimériques, vaines occupations. (Littré)

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