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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 mars [1846], mardi matin, 9 h. 

Bonjour mon aimé, bonjour mon plus qu’aimé petit Toto, bonjour mon adoré petit Toto. Comment as-tu passé la nuit ? T’es-tu couché tout de suite en me quittant ? Iras-tu à l’Académie tantôt ? Veux-tu que j’y aille avec toi ? Tu viendras me reprendre où tu voudras, rue de la Monnaie ou rue du Sabot à ton choix ? Je vais me dépêcher de faire mes affaires pour être prête quand tu viendras. Cela ne t’engagera à rien, du reste. À propos, vous m’avez escamoté la fameuse lettre adressée à Mamzelle O [1]. C’est pour cela que je veux m’attacher à vos pas aujourd’hui pour vous surprendre en flagrant DÉLIRE avec cette séduisante COCOTTE. Je vais m’épêcher de plus belle pour ne pas manquer une si bonne occasion de repasser mon Eustache [2] sur votre ravissante GORGE. Dans une heure je serai sous les armes et nous verrons de quelle toupie il tourne et retourne. Cela n’empêche pas que je vous remercie de tout mon cœur des deux billets que vous m’avez apportésa. Seulement si c’est pour Jeudi je les regarde comme non avenus et j’en demande d’autres pour la plus prochaine séance à laquelle vous assisterez tout entière. Le bibi du pair Pasquier est une chose fort agréable et intéressante certainement, mais votre museau me plaît encore davantage et c’est pour lui seul que je vais dans ce musée égyptien [3]. ATTRAPÉ. Baisez-moi mon cher petit maître et pardonnez-moi mon audacieuse légèreté [plusieurs mots illisibles].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 325-326
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « apporté ». 


31 mars [1846], mardi soir, 4 h. ¾

Eh ! bien mon Toto adoré me voici ornée de ma pauvre péronnelle malade [4] que Mme Marre m’a ramenée elle-même tantôt. Lorsqu’elle est arrivée elle m’a fait peur tant elle était pâle et tirée. Depuis elle s’est remise et je dois dire qu’elle aurait assez bonne mine mais qu’elle sent la fièvre. Elle n’a de goût à rien et ne peut rien manger. J’ai envoyé chercher M. Triger tout de suite et je l’attends. Peut être suffira-t-il d’une purgation pour enlever tous ces malaises persistants. Cependant elle toussaille un peu, ce qu’elle attribue à la fatigue qu’elle a eue tout cet hiver. Cher bien-aimé, tu es allé à l’Académie sans venir baigner tes yeux, tu étais donc bien pressé ? À la manière dont je t’aime et dont je te désire il me semble qu’il ne peut y avoir que des empêchements très sérieux qui doivent t’empêcher de venir me donner un peu de joie et de bonheur. Tu vois que je ne manque pas d’une certaine dose de fatuité. Hélas ! Je t’aime et je compte les secondes, les minutes et les heures de ton absence par les battements de mon cœur, voilà tout. J’espère que je te vais voir tout à l’heure ? L’Académie finit moins tard que la Chambre, il me semble ? Et le temps n’est pas très encourageant pour la promenade ? Tout cela me fait espérer que je te verrai bientôt. Puisse mon pressentiment se réaliser, ce sera la première fois peut-être mais il y a commencement à tout. D’ici là je te baise de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 327-328
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Il n’est pas à exclure qu’il s’agisse d’Alice Ozy.

[2Petit couteau tout usage, pliant, créé par le coutelier Eustache Dubois en 1782.

[3Juliette compare-t-elle les Pairs à une collection de momies ?

[4Le 28 mars, Claire a eu un accès qualifié par le médecin de « crise nerveuse ». Elle a attrapé la tuberculose, non encore diagnostiquée.

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