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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 février [1846], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour mon petit Toto, bonjour vous, bonjour toi. Je voudrais bien vous embrasser, j’en ai une envie de femme très grasse, ce qui ne peut pas vous étonner d’aucune manière. Il me semble que mon pied va un peu mieux ce matin. Aussi je fais déjà des projets de promenade et de courses à faire rentrer vos jambes dans le ventre, toutes déliées et toutes fringantesª qu’elles sont. Je veux rattraper le temps perdu et pour cela je veux courir depuis le matin jusqu’au soir. Quand vous voudrez me voir vous me chercherez. Il est bien juste qu’après vous avoir attendu pendant treize ans vous courriez après moi un peu à votre tour. Voime, voime, mais je ne m’y ferais pas cependant, je n’ai plus assez de confiance en votre amour pour le mettre à l’épreuve.
Qu’est ce que vous faîtes aujourd’hui, mon Toto ? Vous travaillez, je le sais bien, mais vous n’avez pas de Chambre, pas d’Académie, pas de visites, pas de dîner, pas de réception, il me semble ? Est-ce que vous ne pourriez pas me donner une minute par heure du temps que vous auriez consacré à tout cela ? Je ne suis pas bien exigeante, comme vous voyez, et vous devriez récompenser ma discrétion en venant passer toute la journée avec moi. Hélas ! Je n’y compte pas et je n’en suis pas plus fière pour cela.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 131-132
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « fringuantes ».


7 février [1846], samedi soir, 5 h. ¾

Tu as bien fait, mon adoré, de faire l’aumône à cette jeune et jolie malheureuse [1]. Tu fais toujours bien toi, mais il y a une autre aumône que je réclame à grands cris et dont tu es trop parcimonieux envers moi. Si je pouvais fouiller dans ton cœur avec la même facilité que tu fouilles dans ta bourse, Dieu sait que je ne me ferais aucun scrupule d’en tirer tout ce qu’il contient de tendresse et d’amour. Malheureusement votre cœur est plus cadenassé que votre coffre-fort, ce qui fait que je suis dans la dernière des misères et que je tire la langue longue comme mon bras. Encore, si cela vous attendrissait, mais vous n’en faites que rire comme un vilain sans cœur que vous êtes. Avec ça que vous êtes beau quand vous riez, vous montrez un tas de machines blanches qui ont la prétention d’être des perles. Vous montrez des choses plus roses les unes que les autres pour humilier les gens qui n’ont que des vieux chicots branlants dans des vieilles gencives bleues. C’est peut-être généreux encore ça ? Taisez-vous car vous m’exaspérerez à la fin. Si jamais je deviens reine de n’importe quoi ma première action sera de vous les faire toutes arracherª, ces mêmes dents, et de m’en faire un collier avec. ATTRAPÉ. D’ici là, je vous en garde plusieurs qui ne sont pas minces et auxquelles vous ferez bien de ne pas vous fier. Baisez-moi, scélérat, et tremblez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16362, f. 133-134
Transcription d’Audrey Vala assistée de Florence Naugrette

a) « arrachées ».

Notes

[1À élucider.

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