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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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10 décembre [1847], vendredi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon cher adoré, je t’aime, bonjour. Je ne suis pas contente de vous ; vous n’avez pas eu l’air hier de rendre justice à mon destin. Si c’est par jalousie, je vous pardonne. Cela prouve que vous comprenez ma supériorité. Mais si par hasard c’était par crétinisme, je ne vous pardonne pas parce que vous êtes dans votre tort.
Je ne crois pas que je puisse sortir aujourd’hui, mon Toto. D’ailleurs cela n’est pas très regrettable avec le temps qu’il fait. Si c’était dans les beaux jours, je ne dis pas. Mais vraiment avec les rhumatismes avérés que j’ai, je ne vois pas quel bien peut me faire le froid, le brouillard et la pluie ? Cependant je te promets de mettre à profit tous les instants que j’aurai très consciencieusement et de sortir le plus que je pourrai. L’important pour ma santé, c’est d’être avec toi le plus possible. Je sens bien que cela ne tient qu’à cela. Si je pouvais faire cette confidence au médecin, il le reconnaîtrait lui-même et ne me prescrirait pas autre chose. Baise-moi mon Victor et aime-moi, c’est le meilleur et le plus efficace des sparadraps pour mon cœur.
Dans ce moment-ci j’ébauche un rhume de cerveau qui me force à interrompre mes gribouillis à tous les mots. Tu vois que de toute façon je ne pourrais pas sortir, quand bien même je le voudrais absolument. Je ne serais pas étonnée si c’était une petite gripperie que j’aurais attrapéea hier car j’ai eu très froid. Nous verrons cela à [caser  ?]. En attendant je t’aime, toi.

Juliette

MVH, α 9012
Transcription de Nicole Savy

a) « attrappée ».


10 décembre [1847], vendredi, midi ½

Je vois que j’y ai perdu hier, mon cher petit filou ? Si vous croyez que je vous comblerai de bon bouillon pour que vous vous en alliez de bonne HEU, vous êtes dans l’erreur. Je ne suis pas généreuse, mais vous le savez bien : aussi vous ne vous étonnerez pas si je vous demande mon RESTE ce soir.
En attendant, je voudrais savoir comment va ta jambe ? Il me semble qu’il ne faudrait pas tant dea fatigue, surtout le soir et à l’humidité. Il me semble que c’est la première chose dont il faille se garantir pour ce genre de mal, que l’humidité ? Après cela je sais que tu as des théories à toi qui ne sont pas toujours suivant la médecine des médecins, ce qui n’est peut-être pas un tort. Après cela ne croyez pas que je vous tienne quitte de mon Corsaire [1]. Je veux savoir ce que vous avez intérêt sans doute à me cacher et je l’enverrai chercher pas plus tard que ce soir. Frémissez et prenez garde à vous si vous êtes coupable, comme je le crois, car je serai la plus féroce des Juju. Vous pouvez vous en rapporter à moi pour ce genre de perfection.
Si par impossible vous étiez l’homme le plus fidèle de France et de Navarre, je rentrerais mes griffes et je ferais patte de velours avec beaucoup de bonheur et de volupté. Mais, mais, mais, hélas ! Enfin à la rigueur cela peut être et je ne dois pas à l’avance vous condamner sans retour. La justice et mon cœur s’y opposent. Jour Toto, jour mon cher petit Ô, je vous aime par-dessus les [bords  ?]

Juliette

MVH, α 9013
Transcription de Nicole Savy

a) « la » (erreur de syntaxe).

Notes

[1Le Corsaire. Journal des spectacles, de la littérature, des arts et des modes. Il fusionne de 1844 à 1847 avec le Satan de Petrus Borel, et devient alors Le Corsaire Satan.

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