18 novembre [1847], jeudi midi
Un bien beau temps, mon Victor adoré, et qui te fera du bien. D’abord tu n’auras pas le danger de glisser en marchant, surtout n’ayant qu’un bras [1] pour te servir d’équilibre. Je pensais à cela cette nuit et je me tourmentais en songeant que tu ferais seul ce grand trajet de chez toi à l’Institut. Heureusement que le baromètre a eu l’intelligence de venir à ton secours en séchant tous les chemins cette nuit. J’espère que cela t’encouragera à venir auparavant baigner tes yeux, et à me dire comment tu as passé la nuit et dans quel état est ta pauvre petite main meurtrie. Je t’attends avec un redoublement de sollicitude et d’amour que tu dois comprendre. Tâche de venir, mon doux adoré, je t’en serai bien reconnaissante ? D’ici là, je vais faire ton eau pour les yeux et puis je m’habillerai. J’irai chez le médecin car je continue à être fort blaireuse. J’ai l’estomac et le reste très désordonnés. Je voudrais n’avoir pas recours au Triger qui me paraît se livrer un peu trop à la médecine noire [2] et aux saignées. De là j’irai chez la charmante Céleste. Pourvu que tu ne viennes pas m’y chercher tout de suite, pourvu que tu me laisses le temps de m’y embêter à mort ? J’espère que tu auras égard à ce désir bien exprimé et que tu m’y laisseras pourrira. En attendant, je t’attends et je t’adore.
Juliette
MVH, α 8008
Transcription de Nicole Savy
a) « pourir ».