8 août [1841], dimanche midi
Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon amour chéri. Comment que ça va ce matin ? Je t’écris tard parce que c’est le jour du frotteur et que j’ai voulu me débarbouiller et faire mes affaires avant qu’il vienne, voilà pourquoi je t’écris tard. Du reste je n’en serai que plus tôta prête à copier si tu as enfin le courage de m’apporter de la copie tantôt.
Quelle différence y a-t-il entre un pain de sucre et un voyageur ? Quel est l’âge du capitaine Lambert [1] ? Quel est le légume que les femmes aiment le plus [2] ? Voilà, affreux Toto, les ornements que vous me fourrez de force dans l’esprit et puis après ça vous vous plaignez de ma stupidité. À qui la faute cependant ? Avouez que vous êtes un monstre d’atrocité et donnez-moi trois bonnets et je vous pardonne. D’ailleurs je vais faire des économies forcées maintenant que les péronnelles m’ont abandonnéeb [3], et puis je t’assure sérieusement, mon amour, que je ne peux pas m’en passer. Tu peux me croire quand je te dis cela. Je t’aime trop, mon amour, pour te demander de faire une dépense inutile, c’est bien bien vrai.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 127-128
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « plutôt ».
b) « abandonnées ».
8 août [1841], dimanche après-midi, 2 h. ¾
Je suis toujours là, mon amour, je t’attends et tu ne viens que le moins que tu peux. Cela m’aurait aidéea à passer mon dimanche pourtant si tu m’avais donné la fin de l’histoire de Pécopin et de Bauldour [4], mais puisque tu ne le veux pas, il faut bien que je m’en passe comme de beaucoup d’autres de bonheurs qui me sont interdits.
J’ai donné campo [5] à ma serventre, pour ce soir, j’ai pitié de cette pauvre fille et je sais compatir au mal que je souffre tous les jours [6].
J’ai oublié hier dans l’énumération des choses à payer le 10 [7], la couturière 67 F. 50. Je te l’écris pendant que j’y pense pour ne pas l’oublier et parce que je lui ai dit de venir à cette époque là et que je la paierais.
Quel beau temps, mon amour, et que je suis privée de ne pouvoir courir les champs avec toi aujourd’hui. Mais j’espère que bientôt nous prendrons notre vol, tu me l’as promis et j’y compte, mon adoré. C’est ce qui me donne le courage et la résignation suffisantsb pour me passer de toi tous les jours. Si je ne croyais pas être sûre de nous en aller après tes deux volumes finis, je ne sais pas ce que je ferais [8]. Je t’aime trop.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16346, f. 129-130
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette
a) « aidé ».
b) « suffisant ».