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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 mars 1843

12 mars [1843], dimanche matin, 11 h. ¾

Comment vas-tu, mon pauvre bien-aimé, comment vont tes beaux yeux adorés ? Ton souper ne t’a pas fait mal ? Quant à moi, j’ai été punie par où j’ai péché, j’ai souffert toute la nuit de l’estomac ; décidément je ne peux plus souper, je suis une vieille patraque. Je vais me mettre à la diète ce matin pour m’apprendre à baffrer le soir à des heures indues.
Quelle belle soirée que celle d’hier, mon Toto, quelle magnifique représentation. C’est une des plus belles que tu aies jamais euesa, mon Toto ravissant. Mais aussi c’est si beau, si admirablement beau, si saisissant et si sublime que les intelligences les plus bornées et les ennemis les plus féroces sont obligés d’admirer. Je t’aime mon Victor adoré, je t’aime autant que je t’admire. Tu es beau, tu es grand, tu es noble, tu es doux. Je t’aime, mon cher petit Demi-Dieub.
Je voudrais bien te voir, je voudrais te baiser à deux genoux car dans ce tourbillon d’admiration, c’est à peine si j’ai le temps de te voir une seconde. Mon Toto chéri, est-ce que nous ne serons pas bientôt l’un à l’autre ? Est-ce que l’amour n’aura pas bientôt son tour aussi lui ? J’ai faim et soif de tes baisers depuis si longtemps que je suis sevrée de tes caresses. Je suis comme une pauvre affamée qui a perdu jusqu’au goût des aliments. J’ai presque perdu le goût de tes baisers depuis si longtemps que tu ne m’en donnes plus. Il me semble que la semaine qui va venir te délivrera de tout souci et de toute occupation pour ta pièce, n’est-ce pas mon bien-aimé ? Alors tu me donneras quelques jours de bonheur et la culotte tant promise, tant attendue et tant désirée ? Ce ne sera pas un leurre comme toujours, n’est-ce pas mon Toto ? Ce serait bien méchant et bien cruel de ta part si tu me la refusais ou si tu l’ajournais encore, ce qui revient au même. Mais non, mon cher adoré, je suis bien sûre que dès que tu pourras me donner cette joie tu n’y manqueras pas. Il est impossible que tu ne répondes pas à l’amour que j’ai pour toi et que tu ne ressentes pas un peu des désirs passionnés qui me brûlent. Je t’aime d’un amour dont il n’y a pas d’équivalent dans aucun autre cœur que le mien. Il faut bien que tu m’aimes un peu. Je t’aime mon Toto ravissant, je te le dis mal mais je le sens bien. Je n’ai pas d’esprit mais j’ai des baisers et des caresses qui viennent du cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16351, f. 223-224
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « des plus belle que tu n’aies jamais eu ».
b) « Demie-Dieu ».

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