27 août 1847, vendredi matin, 7 h ¾.
Bonjour, mon Victor aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour de tout mon cœur et de toute mon âme. Je ne sais pas encore si j’ai les plus grands griefs contre toi, et dans le doute je me hâte de décharger mon cœur de son trop-plein d’amour et de tendresse. Quand Suzanne reviendra, je lui demanderai si vous avez lâché Fouyou malgré ma défense expresse. Justement la voici : ah ! je respire ! Vous n’avez pas abusé de mon sommeil pour me trahir indignement. C’est beau, c’est grand, c’est bien, on ne saurait trop encourager ce sentiment de délicatesse qui commence à poindre en vous. J’espère que vous ne vous arrêterez pas en si bon chemin et que vous comprendrez la nécessité de faire tous les jours de nouveaux progrès dans cette voie de l’honneur et de la générosité. En attendant, je compte que vous viendrez de bonne heure, et je vais me dépêcher de faire toutes mes affaires pour être tout entière au plaisir d’être auprès de vous. Il fait un temps ébouriffant aujourd’hui. Malheureusement nous n’aurons pas de course et de couvent à aller voir. C’est dommage car, outre le plaisir de voir des vieux murs, j’agrippe chemin faisant des morceaux de conversations sublimes que je serre bien précieusement dans ma mémoire, et puis j’ai la joie et le bonheur d’être avec toi. Tous les plaisirs à la fois, et Dieu sait si j’en suis avide. Je t’adore mon Toto.
Juliette
Harvard, MS FR 100.4
Transcription de Gérard Pouchain
[Barnett et Pouchain]