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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 25 octobre 1856, samedi après-midi, 2 h.

Est-ce bien vrai que tu vas mieux, mon adoré bien-aimé, et que je peux espérer te voir demain un peu dans la journée ? Je regrette de ne m’être pas trouvée chez moi pour recevoir cette bonne nouvelle de la bouche même du docteur Terrier, et pour l’en remercier, et surtout pour m’assurer sur l’expression de sa physionomie de la sincérité de cette consolante promesse. Mais le hasard, mon hasard à moi, a voulu que je fusse sortie pour aller acheter des garde-feuxa, de sorte qu’il faut me contenter de l’assertion plus ou moins fidèle de Suzanne, ce qui n’est pas tout à fait une sécurité. Et puis j’aurais voulu savoir comment tu avais passé la nuit, si tu souffrais beaucoup [1] et si tu ne t’impatientais pas trop d’être cloué chez toi pendant que tes ouvriers font le moins d’ouvrage qu’ils peuvent à ta nouvelle maison. Tout cela, il me faut le deviner car le citoyen QUESNARD me donne de tes nouvelles avec un tel laconisme, il est toujours si affairé et si gros qu’il ne tient pas plus d’une minute chez moi. Si je pouvais me dédommager de ton absence si longue et si triste en te donnant des miennes, je n’y manquerais pas et je te donnerais force détailsb sur mon COUTURIER et sur sa lenteur magistrale et compassée. Mais je sens que cela ne m’amuse pas plus à raconter qu’à voir et que cela ne t’intéresserait pas davantage à lire, mon pauvre trop adoré. Aussi, je garde mes observations pour moi et je te donne seulement tout mon cœur avec toute mon âme dans un baiser.

Juliette

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 260
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

a) « gardes-feu ».
b) « détail ».


Samedi 3 h. ¾, 25 octobre 1856a.

Merci, merci mon doux adoré, merci de ta bonne petite lettre, merci avec tous mes baisers, avec toutes mes caresses les plus tendres, merci avec tout mon cœur et avec toute mon âme, merci. J’ai donc enfin quelque chose de toi à mettre sur mes lèvres et sur mon cœur, et pour comble de consolation et de bonheur, l’espérance de te voir demain si tu peux marcher sans risquer de retarder ton entière guérison. Je suis si heureuse de toutes ces bonnes nouvelles-là que je te supplie de ne pas faire d’imprudence et que je fais de grand cœur le sacrifice de ma joie demain pour que tu prennes tout le temps de te guérir. Ainsi, mon bien-aimé, bien adoré, mon bonheur vivifiant, ma suprême joie, mon Victor, quoique je serai demain ici à une heure et que je t’y attendrai avec un bon feu jusqu’au soir, n’hésite pas à rester encore un jour chez toi, loin de moi hélas ! plutôtb que de prolonger ton bobo une seule minute de plus. Je t’aurais envoyé toutes ces tendres recommandations par le citoyen Kesler s’il avait eu le temps de les attendre pour te les emporter, mais il était trop pressé d’aller poser des tableaux chez toi pour me donner le temps d’écrire. À demain, mon bon petit homme béni, à demain, mon pauvre petit malade, à demain si tu es bien sûr que cela ne te fera pas de mal, autrement à lundi. Je t’adore.

Bnf, Mss, NAF 16377, f. 261
Transcription de Mélanie Leclère, assistée de Florence Naugrette

a) L’année a été rajoutée ultérieurement sur le manuscrit.
b) « plus tôt ».

Notes

[1Hugo souffre d’un furoncle.

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