Guernesey, 10 octobre 1856, vendredi midi
Encore une journée sèche, mon cher trop aimé, encore la solitude et l’absence faisant le vide dans mon cœur aujourd’hui comme hier, comme toujours, et plus que d’habitude encore car je ne te verrai même pas ce soir quelques instants comme de coutume. Cependant, je suis résolue à ne pas troubler le petit moment de plaisir que tu vas prendre ce soir et je veux te montrer un visage gai quand tu viendras. Du reste, il fait un temps à souhait et dont tu fais bien de profiter pour toute chose. Quant à moi, je tâcherai de me décider à aller jusque chez la mère Allez pour la signature de la date du loyer mais je n’y suis pas encore, et je crains d’ici là de trouver plus d’un bon motif pour rester chez moi. J’ai une antipathie presque invincible de sortir de chez moi quand ce n’est pour être avec toi. Cependant, comme cette démarche est nécessaire, je tâcherai de vaincre ma répugnance. Pense à moi, mon Victor, amuse-toi et aime-moi si tu peux. De mon côté, je te promets de faire tous mes efforts pour être gaie, contente et heureuse. Je t’aime, mon Victor, je t’aime, je t’aime.
Juliette.
Bnf, Mss, NAF 16377, f. 249
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette