Paris, 14 janvier [18]71, samedi soir, 4 h.
Il n’y a rien de tel que n’avoir rien à faire pour être toujours affairée. J’en sais quelque chose, moi, qui arrive toujours en retard à ma pauvre petite restitus, et pourtant Dieu sait si je t’aime ! Hier c’était la nécessité de se renseigner, le cas échéant, où on pourrait se réfugier contre les obus possibles qui m’a empêchée de te bâcler à la hâte quelques bonnes tendresses toutes chaudes sorties de mon cœur. Aujourd’hui j’arrive en retard et presque à la nuit fermée à mon gribouillis sous prétexte de raccommodage, de vitrier, de Petite Jeanne, de blanchisseuse, de note d’hôtel, le Diable et son train. Enfin m’en voilà quitte non sans peine et sans argent. Je ne dis pas cela pour Jeanne qui est ma joie en ton absence et mon bonheur quand tu es là. J’ai payé la note 697 F. 50 c., le vitrier 4 francs pour un carreau dépoli que j’ai eu la maladresse de casser [1]. En revanche je t’annonce qu’il restait, outre le billet de mille francs, 300 F. en billets de 50 F. et de 100 F., ce qui porte mon encaisse présente à six cents francs. Ce n’est pas beaucoup sans doute mais c’est encore plus que je ne pensais hier soir. De plus j’ai une bonne petite provision de bois sec qui ne doit rien à personne. Maintenant si tu peux prendre sur toi de limiter tes invitations nous pourrons je l’espère ne pas trop dépassera notre chiffre ordinaire. Voici qu’on m’apporte Petite Jeanne qui me tend ses petits bras. Encore un mot. Je t’aime et je suis à elle tant qu’elle voudra. Il paraît qu’elle est pressée car elle s’impatiente. Je t’adore. Je t’aime. Je te bénis.
MLVH Bièvres, 130-8-LAS-VH 34 a, b et c
Transcription de Gérard Pouchain
a) « dépassé ».