Guernesey, 14 mai 1856, mercredi midi
Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime. Loin de vouloir te priver d’un exercice salutaire et amusant, je te prie au contraire d’en user tous les jours tant que tu pourras. Quant à moi je tâcherai de mon côté de me créer des distractions hygiéniques. En attendant je profite de la lacune pour avoir un affreux mal de tête. J’espère le jeter aux orties ce soir au moins tout le temps que je serai avec toi. D’ici là tu devrais bien tâcher de terminer ton affaire de maison [1] car elle me tient au cœur pour toi. Il me semble que vous y serez tous très heureux et que le reflet de votre bonheur arrivera tout naturellement jusqu’à moi et puisque tu es décidé à cet achat le plus tôt sera le mieux et une préoccupationa de moins ôtée à ta pauvre tête déjà beaucoup trop remplie. Il fait un temps charmant dans ce moment-ci, cela donne envie de voir du pays et surtout d’être heureux. Je vois d’ici la petite barque à voile orange dans laquelle tu es allé à Serk [2]. On dirait qu’elle veut faire le même trajet mais il est plus probable qu’elle pêche. Dans tous les cas je ne m’intéresse à ses manœuvres plus qu’à celles des autres que parce qu’il me semble qu’il y est resté quelque chose de toi depuis qu’elle t’ab reçu avec tes enfants et tes amis pendant cette petite promenade en mer. Rien de ce qui t’a servi ou touché ne m’est indifférent, c’est un moyen pour moi de t’aimer TOUJOURS ET DANS TOUT.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 146
Transcription de Chantal Brière
a) « préocupation ».
b) « elle t’as reçu ».