Guernesey, 13 mai 1856, mardi matin, 11 h.
Tu serais bien gentil de revenir tantôt, mon cher petit homme, d’abord et surtout pour me donner la joie de te voir et pour me dire où tu en es de tes négociations de ton IMMEUBLE [1] dont je te voudrais déjà propriétaire à chaux et à ciment, à fer et à sous, car c’est vraiment une merveille de beauté et de bon marché [2]. Je voudrais que vous y fussiez déjà installés même au prix de mes pauvres bric-à-braca auxquels pourtant je tiens comme [rache ?] et que je défendrai tesson à tesson et guenille à guenille contre des monceaux d’or. Telle est ma force. En attendant je dresse un inventaire de mémoire pour me rendre compte et diriger à distance l’emballage des choses qui doivent être apportées et séparées de celles qui t’appartiennent par droit de conquête et par droit de chippage [3]. J’aurais besoin néanmoins de sortir un peu tantôt pour aller chez ma couturière mais je crains de te manquer, il est probable que je choisirai de t’attendre au risque que tu ne viennes pas. Je suis bien contente du succès de la belle mademoiselle Adèle [4] parce que cela va la piquer au jeu et donner une amusante activité à sa vie de jeune fille muse. Je regrette de n’avoir pas pu mêler mes applaudissements à ceux du public, je bats du cœur à défaut des mains dans mon for intérieur à son succès d’hier et à tous ceux à venir et je vous aime sans mesure.
Juliette
BnF, Mss, NAF, 16377, f. 145
Transcription de Chantal Brière
a) « mes pauvre brics à bracs ».