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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 décembre [1838], mercredi après-midi, 1 h. ½

Bonjour mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon petit homme chéri, bonjour je t’aime. Il fait bien froid aujourd’hui mais beau et vous ne venez pas me prendre pour acheter nos rideaux. J’aurais pourtant voulu pouvoir les changer au commencement de l’année. Enfin puisque vous ne le pouvez pas, je me résignerai à garder mes lambeaux de rideaux sales. D’ailleurs nous n’avons plus assez d’argent pour cela aujourd’hui il n’y en a [juste  ?] que pour les croix en supposant qu’on les apporte tantôt et qu’elles soient de la grandeur que tu veux. Je voudrais bien que ton relieur envoyâta les livres de Mme Krafft auparavant le jour de l’an. Si tu veux nous pourrons y aller ce soir en nous promenant car j’ai bien mal à la tête. Je compte sur toi pour souper ce soir. Je n’ai pas d’autres plaisirs dans le monde et ce sera bien triste pour moi le jour où il me manquera. Je t’aime mon Toto. Je t’aime comme jamais tu n’as été et ne sera jamais aimé par aucune autre femme. Je t’aime plus que ma vie. JOUR, j’attends le jour de l’an avec bien de l’impatience MOI pour avoir mes bonnes petites Étrennes que J’EXIGE, que vous me DEVEZ, vilain, puisque vous ne me donnez rien tout du long de l’année de ce qui fait mon bonheur, mon orgueil et ma joie, une chère petite lettre de vous ce jour-là quel bonheur ?!!!!!! Je suis capable de ne pas en dormir d’ici là et encore bien plus quand je l’aurai lue et baisée de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 274-275
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « envoya ».


26 décembre [1838], mercredi soir, 8 h.

Si tu n’es pas l’homme le plus faux et le plus martre de France [1] que je connaisse tu es l’homme le plus ravissant et le plus charmant qui soit. En attendant je crève de froid, de faim et de rage. Je vous aime mon Toto vous êtes bon et bien i. Je compte sur vous pour ce soir. Je vais seulement manger un morceau d’attente qui ne m’en raiguiseraa que mieux l’appétit. Après je vais me chauffer et me résigner car je ne vois pas trop ce que je pourrais faire de mieux à l’endroit de mon manchon. Au reste ne parlons pas de cela dans ce moment-ci car j’ai le poil trop rebroussé. Il faut que j’attende qu’il ait repris son état naturel pour me livrer aux douceursb de la conversation sur son lustre plus ou moins anglais. Soir papa. Pourvu que tu viennes un peu tard ce soir nous trouverons la marchande de comestibles fermée. Ce sera charmant et nous mangerons notre pain CHESSE en l’honneur du RÉVEILLON. Maintenant que vous voilà avertic je m’en lave les mains et m’en brosse le ventre au soleil. Je vous aime, ça me suffit. Je vous crois honnête, cela me rend heureuse et voilà.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 276-277
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « réguisera ».
b) « au douceur ».
c) « avertis ».

Notes

[1La martre de France est un mammifère à fourrure de la même famille que les fouines et les putois. La « fausse martre » désigne à l’époque toute fausse fourrure. Peut-être Juliette joue-t-elle aussi avec l’expression « maître de France ». [Remerciements à Sylviane Robardey-Eppstein.]

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