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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 décembre [1838], samedi après-midi, 1 h. ¼

Bonjour mon cher adoré petit homme. Bonjour comment vas-tu ce matin ? Je n’ose pas dire comment as-tu passé la nuit ? Quant à moi je me suis trop [vantée  ?] cette nuit et j’en ai été punie par une insomnie des plus [pommées  ?] et par une intempérance de pipi ignoble. Aussi j’ai la figure toute gonflée ce matin et le nez trognonnant à faire mourir de dépit la compagnonne que tu connais [1]. Il me fait même assez de mal pour m’empêcher de me moucher. Maintenant que je vous ai raconté toute mes infortunes, baisez-moi et aimez-moi. Je m’abandonne à toi tout à fait mon Toto, pour l’affaire Gérard [2] et j’accepte les conséquences de ta décision quelles qu’elles soienta. Je trouve comme toi que c’est ce qui pourrait nous arriver de plus heureux que M. Gérard me fît un rôle et que la direction Joly et Villeneuve me le laissâtb jouer. Mais… le voudront-ils ? Enfin mon adoré petit homme, fais ce que tu voudras, ce sera toujours bien et toujours admirablement bon et dévoué. Je t’aime, pense à cela et tâche de venir me voir très tôt. Je compte sur toi pour notre petit souper. Je m’y suis si bien acoquinée que je serai bien malheureuse quand il faudra y renoncer. En attendant, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 262-263
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « quelqu’elles soient ».
b) « laissa ».


22 décembre [1838], samedi, 8 h. ½

J’ai un mal de tête sterling mon Toto, j’aurais bien besoin de ta charmante petite bouche pour me raconter l’histoire de l’homme des ruines qui donne des coups de [fourche  ?] au vermicelle [3]. Il n’y a que ça qui puisse me calmer et me distraire dans ce moment-ci. Je souffre d’une manière absurde. Je viens d’écrire à Claire de se tenir prête dimanche en huit, et en même temps j’ai écrit à Mme Lanvin pour que son mari vienne lundi 24 au lieu du 25, jour de Noël. Je vais aller tout à l’heure chercher la reconnaissance dans la chambre de Suzette. Après je m’installerai dans mon fauteuil pour ne plus en bouger car je n’en peux plus. Papa est bien i. Tâchez de ne pas venir trop tard ce soir. Je suis malade moi, j’ai besoin qu’on me dorlotea un peu. D’ailleurs vous pouvez bien venir auprès de moi au lieu d’aller courir les théâtres comme vous faites tous les soirs. Je vous préviens que ce genre-là ne peut pas me convenir du tout et que si vous allez voir la 1ère représentation, j’irai voir la seconde de mon côté et nous verrons de quel côté sera le NEZ le plus monstrueux. Jusqu’à présent c’est le mien mais je prétends qu’il en soit autrement dorénavant. En attendant je baise votre vec comme si de rien n’était.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16336, f. 264-265
Transcription de Sophie Gondolle assistée de Gérard Pouchain

a) « dorlotte ».

Notes

[1Citation de Ruy Blas, acte IV, scène 7. Don César décrit une duègne, « affreuse compagnonne / Dont la barbe fleurit et dont le nez trognonne ».

[2Gérard de Nerval, après avoir un temps destiné son drame Léo Burckhardt au Théâtre de la Renaissance, l’a confié fin novembre à la Porte Saint-Martin. Juliette se berce d’illusions peut-être entretenues par Hugo en espérant qu’il lui confie un rôle : elle ne jouera ni dans Léo Burckhardt ni dans L’Alchimiste, créé le 10 avril 1839 au Théâtre de la Renaissance. À cette époque, il a aussi en projet une autre pièce pour le Théâtre de la Renaissance, Dolbreuse, qui ne verra pas le jour [Remerciements à Sylviane Robardey-Eppstein pour ces éclaircissements].

[3Allusion à élucider.

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