Guernesey, 14a septembre 1857, lundi, 3 h. après-midi
Encore quelques jours de ton ineffable patience et de ton grand savoir-faire de sublime poète artiste, mon cher bien-aimé, et mon logis sera un petit Cluny [1] ravissant. Avec quel amour, quel orgueil et quel respect de ton dévouement, de ta pensée et de la peine que tu as prise je vivrai, je me plairai et je t’aimerai dans ce petit intérieur sanctuaire que tu m’auras fait. D’y penser le bonheur m’en vient au cœur. Encore quelques jours et mon petit temple sera achevé. En attendant je fais feu de toutes mes forces pour seconder et aider la grande manœuvre que tu diriges et je crois que cela contribue pour quelque chose à entretenir l’activité de MES ouvriers et de MES OUVRIÈRES. Dans ce moment-ci Suzanne est suspendue en FLAXMAN [2] à la frise de mon lit qu’elle houspille, qu’elle astique et qu’elle frotte avec furie. Son travail achevé, ce sera bien le cas de lui jeter TA pierre. Quant à moi je les gardeb pour la soif inextinguible de mon cœur, toutes les pierres que tu voudras me donner.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 178
Transcription de Chantal Brière
a) « 15 septembre » est corrigé.
b) « gardes ».