Guernesey, 12 septembre 1857, samedi matin, 8 h.
Bonjour, mon cher petit matinal, bonjour par votre fenêtre déjà toute grande ouverte, bonjour, par tous mes yeux, bonjour, par tout mon cœur. Il paraît que vous vous disposez à faire vos adieux à vos deux visiteurs [1], mon bon petit homme, j’espère pourtant que vous aurez pris le temps de dormir malgré les fêtes, les conférences, les traités et le RESTE. Tiens, vous voilà ! hélas ! pas pour longtemps puisque vous êtes déjà reparti mais cette courte apparition suffit pour illuminer mon âme d’un rayon de joie. Merci, mon doux adoré, merci, mon bonheur, merci, ma vie. Maintenant te voilà hors de la plus grosse presse de visiteurs et bientôt débarrassé de l’ennui de mes ouvriers. J’espère que tu en profiteras pour te reposer un peu et pour me donner à moi-même quelques bonnes journées de loisir, de promenades, de tripes [2] et de pique-niquesa avant la fin de la belle saison ? En attendant je tâche de faire avancer mes travaux le plus que je peux mais cela n’est pas facile car le moindre prétexte suffit pour enrayer la grande vitesse de mes ouvriers mâles et femelles. Mais quoi qu’ils fassent il faudra bien qu’ils finissent et bientôt.
Je ne sais pas pourquoi je te dis tout cela que tu sais aussi bien que moi, mon cher petit homme, si ce n’est pour t’ennuyerb une fois de plus. Pardonne-moi. Je t’aime.
Juliette
BnF, Mss, NAF 16378, f. 176
Transcription de Chantal Brière
a) « pic-nics ».
b) « ennuier ».